À Amiens, dans les quartiers séparés de la ville par
l’ancienne citadelle, des jeunes du grand ensemble se
sont heurtés aux forces de l’ordre un soir de deuil. La
police a harcelé les participants présents pour une soirée
de recueillement. Comme souvent, l’émotion d’une mort
et l’arrogance des policiers ont mis le feu aux poudres.
Des jeunes se sont révoltés. Ils n’ont toujours pas les
mots pour exprimer ce besoin d’égalité, la souffrance
de la discrimination, la quête de justice sociale. Ils n’ont
pas souvent d’interlocuteurs pour les entendre. Pourtant,
depuis trente ans que cette situation perdure, depuis un
fameux été 1981 où éclatèrent les premières révoltes
urbaines aux Minguettes, ceux qui veulent comprendre
peuvent comprendre.
Le gouvernement a choisi de persister dans l’autisme qui
prévaut depuis. Il a dépêché son ministre de l’Intérieur qui
a cru devoir afficher « la fermeté ». À la bonne heure ! Donc
le pouvoir peut être ferme. Le problème, c’est que cette
fermeté vis-à-vis des quartiers populaires ou des Roms est
dévastatrice. Elle annonce même de lourdes difficultés,
celles qui s’abattent sur un pouvoir qui accepte les cadres,
les normes en place, et s’imagine pouvoir faire mieux,
plus juste que ses prédécesseurs. Le gouvernement ne
s’en sortira pas en enfilant le costume d’une République
autoritaire, poussiéreuse dans son fonctionnement
démocratique et sourde aux souffrances des quartiers
populaires. Il faut au contraire rompre radicalement avec
les approches sécuritaires, en finir avec une politique de la
ville qui dénigre autant qu’elle répare. Les premiers temps
d’un nouveau pouvoir, quand sa légitimité politique est
la plus forte, sont propices à ces remises à plat. Las, le
gouvernement Aiyault ne le fait pas. Faute d’audace, de
courage, de volonté politique, la gauche au pouvoir se fera
aspirer par les spirales de l’autoritarisme. Elle ne répondra
pas aux attentes et aux besoins. Autant dire qu’elle
court à l’échec.



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