Trop et bon à la fois

Trop et bon à la fois

Inspiré par le best-seller de Stéphane Hessel, le réalisateur
de Gadjo Dilo, signe un film qui sonne comme un
cri de colère et d’espoir.

Une série de pauvres godasses abandonnées sur
un rivage, les cuirs rongés par l’eau, le sel et le
soleil, autant de traces et de vestiges, en voie
de dégradation, des migrants qui accostèrent
ou se noyèrent là, c’est-à-dire ici, en Europe. Voilà les premières
images d’Indignados de Tony Gatlif, film acharné à
suivre les pérégrinations grecques, françaises ou espagnoles
de Betty, clandestine africaine à la recherche d’un eldorado
occidental en voie de fissuration extrême, croisant, ici
la misère, là, l’indignation…

Projet cinématographique sincère, qui ne se donne pas un
genre, mais qui prend sa liberté à la croisée des chemins
du documentaire, de l’essai visuel et du tract militant, Indignados
semble signé par un Dziga Vertov manouche, qui ne
douterait pas un instant que les images, à défaut de changer
le monde, puissent au moins réveiller les consciences. Ainsi
en va-t-il de la façon dont Gatlif choisit de montrer tous ceux
qui dorment dehors. Les matelas, les lits, les couches apparaissent
vides de leurs occupants, leurs noms s’inscrivant à
l’écran. Simple et fort à la fois.

Plein de révolte et de colère, Gatlif s’avère aussi doté de
l’innocence des cœurs purs. Ce faisant, il manie la métonymie
visuelle comme d’autre le matérialisme dialectique ;
pas toujours à bon escient. Ainsi de ce plan où l’on voit des
milliers d’oranges dévaler les rues,
les escaliers, façon maniérée de
symboliser la déferlante révolutionnaire
tunisienne… Mais comment
en vouloir à Gatlif de parfois en
« faire trop » quand, dans le même
temps, on sent que pour lui – et
pour nous aussi – on n’en fait jamais
assez pour la dignité des migrants,
des sans noms, des brimborions
du système…

Alors on se laisse embarquer dans
la caravane visuelle de Tony Gatlif,
son cortège de séquences narratives,
poétiques, alternant avec
le témoignage d’un mouvement
– les Indignés – qui aura hiberné
tout l’hiver, pour in fine assembler
le tout comme les différentes
pièces de tissu d’un étrange et
merveilleux habit multicolore.

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