Collectif
« Savoirs dérobés, confisqués,
atténués par les souverainetés
instituées en pouvoirs légitimes
ou en contre-pouvoirs tout aussi
institués. » Elles sont cruelles,
les crises de la représentation
politique. « Elles font souffrir au
quotidien, au travail, dans les
entreprises, dans la rue, elles
excluent, tyrannisent, harcèlent
le corps social et politique. »
Politiser la plainte pour lui donner
sa puissance active et se
donner les moyens de « refaire
une Cité ». Métamorphoser le gémissement en grondement. Battre
en brèche les politiques de la pitié en faveur d’une politique de la
justice. Telles sont les ambitions de cet ouvrage collectif intitulé Est-ce
ainsi que les hommes vivent. Il se présente comme un cahier de
doléances, dont l’étymologie renvoie à « douleur » et « deuil », sur le
modèle des registres utilisés en 1789 pour consigner les voeux et
protestations adressés au roi.
Ce livre est né d’une initiative originale, relayée notamment par la
revue Vacarme et le journal L’Humanité, qui s’apparente à un tour de
France des voix populaires. Il fait étape dans de grandes et petites
villes, en province et en région parisienne, dans les banlieues et
les zones rurales. Bagneux, Villeurbanne, Argenteuil, Meaux, Annecy,
Nevers, La Courneuve… « C’est Deauville, ça : il n’y a pas de
clochards, ça n’existe pas, il n’y a pas de pauvres, pas de salariés,
pas d’ouvriers… Il faut cacher ce qui n’est pas la richesse.
Forcément, ça énerve : si tu n’es pas en Dolce Gabana, si tu as
une Casio et pas une Rolex, tu n’existes pas, tu es une tache
ou tu es invisible, mais ça revient au même ! » Organisés autour
de thématiques, les témoignages se succèdent. « Je suis un précaire,
je suis un furieux, moi ; je passe mon temps, le soir, à mater
la chaîne Parlementaire (LCP) pour entendre ce que les uns et
les autres disent ». À Vierzon : « Plutôt que de parler devant tout
le monde, le chef de service envoie des mails aux collègues… »
Ces paroles errantes de « doléants », ici rassemblées, dessinent
un horizon commun.

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