Les passerelles entre éducation nationale et éducation populaire souffrent elles aussi de la politique actuelle. Elles sont pourtant tellement nécessaires. Une tribune de Damien Boisset, acteurs associatif et militant d’éducation populaire.
Ça va de plus en plus mal… Qui n’a pas dit, entendu, pensé ou ressenti ça récemment ? Dans l’école, autour de l’école, mais aussi – le lien est aussi important qu’oublié des revendications – dans l’accès aux loisirs, et un cran au-dessus dans l’action sociale, la santé, l’accès aux droits fondamentaux.
En gros, on s’enfonce, en pleine conscience, façon bourbier ou marécage. Les grandes grèves de l’automne 2011 – longues et vaines tant elles étaient clairsemées, sorte de ballades urbaines pour gens de gauche – sont bien loin… L’anesthésie est galopante, le travail de sape mené depuis une dizaine d’années fonctionne.
Alors « Avant, c’était mieux » ?
Oui, sans l’ombre d’un doute. Sauf que celui qui écrit cela n’est pas un instit-hussard de 80 ans, mais un acteur associatif de 40 balais. Et « avant », ce n’est pas forcément la fin du 19ème siècle ou le Petit Nicolas.
Il y a une douzaine d’années, travailler avec les personnels de l’Education nationale pour les gamins de ce pays, et plus particulièrement ceux des quartiers populaires, était possible, bienvenu, encouragé. Sans que tout soit rose, l’idée d’une co-éducation – parents, profs, acteurs associatifs sociaux et culturels… – était dans l’ordre des choses. Une vision et des pratiques pas forcément partagées par tous, mais réelles, et tout sauf inutiles ou stériles. Des actions magnifiques – visibles ou non – ont vu le jour, avec des résultats, un souffle, de la vie !
L’ordre des choses a changé, avec des relents qui n’augurent pas d’une formation de citoyens ouverts et critiques mais bien d’un marché de la prestation scolaire ; ce n’est pas tout à fait pareil.
Associations, Etablissements, même combat ?
Le monde associatif est historiquement un compagnon de l’école depuis 150 ans. De tout temps, il a été un vivier pour trouver des compétences et des idées, mais aussi des bulles de liberté pour l’expression d’engagements éducatifs forts.
Il se dessèche à grand renfort de coupes budgétaires et de carcans administratifs, miroir précaire du monde enseignant.
Rencontrer des profs ou des chefs d’établissement est devenu très très compliqué. Je ne parle pas là de les solliciter pour leur vendre quoi que ce soit – sur ce point d’ailleurs les groupes industriels et autres lobbies sont les bienvenus comme le montre certains partenariats nationaux. Avoir un temps d’échange et de travail sur des sujets bénins tels que la xénophobie, la culture, les relations aux familles et aux quartiers populaires, les discriminations ethniques, etc., relève du parcours d’obstacle, sans aucune garantie. Ce qui se fait l’est à la marge, et de plus en plus. Précieuses exceptions.
Il ne s’agit pas là de mauvaise volonté, d’appréhension, d’ingérence, non, simplement d’un isolement patiemment construit, qui empêche aussi la création de front de refus, de passerelles entre professionnels et citoyens convaincus de certaines urgences « oubliées » par les pouvoirs en place.
De part et d’autre le champ des possibles s’est réduit. Mais les idées et les savoir-faire sont encore là. Alors, on fait quoi ?
Laisser un commentaire