À Rome, les squatteurs font du logement social

À Rome, les squatteurs font du logement social

Issue des expériences
d’autogestion menées
aux Pays-Bas dans les
années 1970, l’autorécupération
a fait du chemin
en Italie. Dans le Latium,
une loi pionnière adoptée
en 1998 autorise les squatteurs
à se constituer en
coopérative pour réhabiliter
à bas coût les bâtiments
publics abandonnés.

Le 14 juillet 1989, une petite
révolution s’empare de Rome.
Deux cents squatteurs assiègent
un couvent abandonné
du centre-ville, « non pas dans
l’espoir de négocier une sortie
acceptable, mais dans le
but d’y habiter durablement
»,
explique Cesare Ottolini,
coordonnateur de l’Alliance
internationale des habitants.
Quelques mois plus tard,
douze familles se regroupent
au sein de la coopérative
Vivere 2000, retapent le bâtiment
public et entament des
négociations avec la municipalité
et la région pour régulariser
la situation.

En 1998, la compétence logement
est décentralisée et le
centre-gauche remporte les
élections dans le Latium : une
loi régionale d’Autorécupération
du patrimoine public est
adoptée à l’unanimité. Vivere
2000
remporte son combat.
187 000 logements sont alors
inutilisés à Rome, dont 3 000
occupés illégalement. Face à
la hausse de la demande en
logement social et au désengagement
de l’État, la loi de
1998 permet aux squatteurs
– pour devenir locataires – de
se réunir en coopérative et de
présenter, sur la base d’un
appel d’offres lancé par la collectivité
propriétaire, un projet
de réhabilitation à bas coût du
bâtiment occupé. À l’issue des
travaux, les locataires payent
un loyer inférieur ou égal à celui
d’un logement social.

Un bien commun

Récup’, recyclage et savoir-
faire des « squatteurs-coopérateurs » : la réhabilitation
coûte 500 euros le m²
dans le centre-ville, contre
2 000 euros en moyenne pour
un programme de logement
social neuf à 40 km de Rome.
« Les coopératives ont réussi
à démontrer la rentabilité et la viabilité de leur projet
», conclu
Cesare Ottolini. Pourtant, l’implantation
de nouveaux chantiers
s’est ralentie. La droite,
qui a repris la mairie de Rome
et le Latium, a démantelé le
bureau de suivi des coopératives.
« Les portes du dialogue
se sont fermées
, regrette-t-il.
En ce moment, la municipalité
tente même de privatiser des
casernes abandonnées.
»

À Rome, l’autorecupero aura
quand même permis de loger
quelques milliers de personnes
: « Ça n’est pas La solution,
reconnaît Cesare Ottolini,
mais ça peut montrer la voie. »
En France, le collectif Jeudi
noir attend que les élus s’y
engagent. « Il manque une loi
cadre pour favoriser d’autres
modèles d’habitat et reconnaître
le logement comme un
bien commun
», estime Julien
Bayou, son porte-parole. Le
8 décembre, les sénateurs
socialistes présenteront une
proposition de loi « visant
à mobiliser l’ensemble des
ressources disponibles pour
fournir du logement social en
zone tendue
, annonce Claude
Jeannerot, sénateur du Doubs
et président de l’Agence
nationale pour l’information
sur le logement (ANIL). Par
exemple, en échange de leur
engagement à le réhabiliter en
logement social, l’État pourrait
vendre aux collectivités une
partie de son patrimoine en
dessous de sa valeur vénale
. »
Mais pour l’heure, pas d’autorecupero
à l’italienne.
« Peut-être que les Français
attendent trop de l’État
, remarque
Cesare Ottolini. En
Argentine, après la faillite
de 2001, il y a eu toute une
vague d’occupation et d’autorécupération.
Je pense
qu’au fur et à mesure que la
crise avance, les Français
eux aussi vont prendre leur
destin en main.
»

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