Les petits papiers…

Archives nationales

Les Archives nationales abritent
une exposition qui traite d’un
sujet sensible : l’évolution du
fichage des populations depuis
l’époque du second Empire
. De
nombreuses sources ont curieusement
pu être compilées, alors
qu’il s’agit de documents censés être détruits. La photographie et
le développement du fichier judiciaire basé sur l’anthropométrie forment
le coeur du propos.

Il n’étonnera personne que les Renseignements généraux soient
à l’origine du fichage du contre-espionnage, mais aussi des étrangers,
des homosexuels, des communistes ou des anarchistes. Avec
la naissance des Brigades du tigre, « seule police qu’une démocratie
puisse avouer
» selon Clémenceau, les « fichiers centraux »
apparaissent. À l’origine, l’idée est de croiser les informations pour
retrouver les criminels, mais ce sont surtout les nomades qui sont
ainsi traqués.

Durant l’entre-deux-guerres, apparaissent permis de conduire,
cartes d’invalidité, fichiers de salariés… Du pain béni pour Vichy
qui « encarte » les juifs. Les nombreux débats qui surgissent après
la Libération ne suffisent pas à enrayer un processus qui s’accélère,
même avec les conflits liés à la décolonisation. Rapidement,
on assiste à une démultiplication des fichiers et à leur mécanisation.
Prétextant que la législation protège les données personnelles, l’exposition
s’arrête aux années 1960. Il aurait pourtant été bienvenu
d’introduire, dans ce parcours, la création contemporaine du fichage
informatique et biométrique. Loin d’attirer l’attention du visiteur sur
les dérives d’une histoire brune, le parti pris des commissaires de
l’exposition éveille surtout, au regard des documents consacrés à
l’anarchiste Bonnot ou à l’opiomane et homosexuel Cocteau, une
certaine nostalgie. On quitte donc les Archives nationales avec un
sentiment mitigé, renforcé par la présence d’un photomaton à la
sortie qui permet de se faire tirer un portrait étiqueté « suspect »,
« soumise », etc. Une invitation douteuse à l’initiative du sponsor de
l’exposition.

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