Geronimo EKIA. Ce n’est pas le nom de la dernière bibliothèque d’un fabricant de meuble suédois mais l’annonce en direct de la mort de Ben Laden par le patron de la CIA…
«Le nom de code pour Ben Laden était « Geronimo ». Sur un écran vidéo, le président et ses conseillers regardaient le directeur de la CIA Léon Panetta, narrant depuis les bureaux du quartier général de l’agence ce qui se passait au Pakistan.
« Ils ont atteint la cible », dit-il.
Les minutes passèrent.
« Nous avons Geronimo en visuel », dit-il.
Quelques minutes plus tard: « Geronimo EKIA ».
Ennemi tué dans l’action (Ennemy Killed In Action). Silence dans la salle.
Finalement le président dit, plus haut: « Nous l’avons eu »».
Voici le récit que le New York Times fait de la soirée passée par Obama et son premier cercle, suivant en direct l’opération menée par les forces spéciales américaines dans une grosse bâtisse d’Abbottabad, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Islamabad, dans la nuit du 1er au 2 mai. A la fin du film, donc, c’est Geronimo qui est « tué dans l’action« .
Pourtant, il était déjà mort, Geronimo. Il y a 102 ans, le 18 février 1909, le même NY Times publiait la nécrologie de cet ancien chef apache emporté par une pneumonie à l’âge de 79 ans. Une nécro, pas vraiment un panégyrique posthume: « Leader des Apaches en conflit dans les territoires du Sud à l’époque des pionniers, Geronimo avait acquis une réputation de cruauté et de fourberie jamais égalée par aucun des autres chefs indiens d’Amérique. Pendant plus de vingt ans, lui et ses hommes ont été la terreur du pays, ne laissant sur leur passage que dévastation et effusion de sang. »
Bon. Nous voilà donc éclairés sur le lien unissant un chef apache né au Mexique et opérant lors de la deuxième moitié du XIXème siècle à un leader saoudien du jihad devenu très célèbre au tout début du XXIème: leur vilaine manie de terroriser les américains.
Pourtant, les deux hommes n’ont pas grand chose à commun.
Qui était Geronimo? Un chaman apache, né vers 1829 qui passa une bonne partie de sa vie à combattre les armées du Mexique et des Etats-Unis. Entre 1858 et 1886, luttant parfois aux côtés de Cochise, Geronimo va alterner les périodes de combat, de capture, de vie dans les réserves suite à des signatures de traités, d’évasion, de repli dans les montagnes d’où il multipliera les actions de banditisme et des attaques plus « politiques » contre les colons blancs. En septembre 1886, fatigué, il se rend pour la dernière fois.
A la fin de sa vie, retenu dans le camp militaire de Fort Stil en Oklahoma, Geronimo était devenu fermier, se faisait prendre en photo, vendait des souvenirs et répondait à la presse. Il s’était converti au christianisme (ce qui, soit-dit en passant, ne risquait pas d’arriver à Ben Laden…). En 1906, il avait lui-même dicté son autobiographie. Consultable intégralement en ligne mais seulement en anglais, ce document a été traduit en français et édité une première fois en 1972 chez François Maspero puis réédité en poche en 2003 aux éditions La découverte sous le titre Mémoires de Géronimo.
S’il est nettement moins « tee-shirtisé » que Guevara, Geronimo, son authentique parcours d’aventurier, de guerillero et de résistant (et malgré sa fin de vie un peu tragique) a largement mérité sa place au Panthéon des figures planétaires de la résistance. Pas sûr qu’on puisse un jour en dire autant du jihadiste fils de milliardaire saoudien que les commandos américains ont abattu comme un malfrat avant de le jeter dans la mer d’Oman.
Etonnant d’ailleurs, cet acte final après une traque de dix ans: jeter un corps (que l’on imagine criblé de balles) à la mer. Une explication? Revenons à Geronimo: en 2009, le 100ème anniversaire de sa mort avait soulevé un débat aux Etats-Unis, l’un de ses arrière petits-enfants intentant une démarche judiciaire contre le gouvernement américain pour ramener la dépouille de son aïeul au Nouveau-Mexique, son lieu de naissance.
Voilà au moins quelque chose que ne pourra jamais réclamer la descendance de Ben Laden. Ils sont malins, ces américains.



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