Du 25 mars au 3 avril se déroule à Créteil la 33ème édition du festival international de films de femmes. La directrice, Jackie Buet, revient sur l’histoire et les enjeux de cet événement.
Comment est née l’idée de ce festival ?
Jackie Buet: Nous avons créé ce festival en 1979. A cette époque, en France comme dans la plupart des grands pays européens, être réalisatrice était une rareté. En France on avait la chance d’avoir quelques pionnières comme Agnès Varda, Jacqueline Aubry et Yannick Bellon… Et puis plus tard, des personnalités comme Marguerite Duras… En fait nous voulions donner une visibilité aux premières réalisatrices, souvent ignorées par les grands festivals. Au départ nous ne pouvions nous permettre d’aller chercher des films au bout du monde, nous nous sommes donc concentrées sur les principaux pays européens. On a eu un succès immédiat. Je me rappelle des débats très animés. Les réalisatrices revendiquaient le fait de pouvoir travailler derrière la caméra, de ne pas être que des femmes à l’image mais des femmes qui font des images. Parmi les invitées on comptait déjà Agnès Varda, Margarethe Von Trotta, Helma Sanders Brahms…Par la suite, nous avons découvert des réalisatrices chinoises, d’Amérique latine, aux Etats Unis, et le festival est devenu assez rapidement une manifestation importante.
Quel est aujourd’hui l’enjeu d’une telle manifestation ?
J.B. : Contrairement à ce que pensent certaines réalisatrices françaises très critiques, ce festival n’est pas un ghetto mais un lieu qui interroge le genre. Je ne saurais pas dire s’il existe des différences entre les films d’hommes et de femmes. Pour moi ces différences sont marquées par des stéréotypes. Le masculin, la force, la puissance, la violence, et le féminin, la douceur…Tout cela n’est plus très vrai. Kathryn Bigelow, qui est la seule américaine à avoir eu un oscar à Hollywood, aime explorer ce qui était jusqu’à présent plutôt considéré comme un cinéma d’homme. Elle a fait un film de guerre, un film de vampires, un film policier. Les femmes ne se restreignent plus à des sujets « très féminins » sur la vie privée, elles font aussi des films politiques. Je me souviens notamment d’un débat avec Carole Roussopoulos qui venait présenter un film sur une série de portraits de grandes féministes françaises et européennes. Et cette année nous accueillerons une performance de Catherine Corringer sur le Scum Manifesto avec en deuxième partie de soirée un documentaire de Virginie Despentes, « Mutantes », sur le courant Queer.
Quelle est la tendance de la programmation de cette 33ème édition ?
J.B. :Cette année nous avons choisi de mettre en avant les réalisatrices de l’Europe du sud. Il s’avère, sans avoir choisi ce thème, que ces réalisatrices à travers leurs films abordent le débat sur l’accès à la démocratie et le devoir de mémoire. Nous avons également découvert une réalisatrice italienne de 82 ans, comme quoi il n’est jamais trop tard, qui a démarré sa carrière dans les années 50, aux côtés de Pasolini. Dans une série de courts métrages elle rend compte de la situation de l’Italie au moment de la rupture entre le monde rural et le monde urbain et industriel et des frictions dans une société en pleine mutation. Elle animera également un master class avec plusieurs courts métrages auxquels Pasolini a participé et nous parlera des enjeux du cinéma à l’époque. Ça va être passionnant…
Regards est partenaire du 33ème festival international Films de femmes de Créteil
Toutes les infos sur http://www.filmsdefemmes.com/



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