L’irruption du peuple

L’irruption du peuple

Qui l’eut cru ? C’est à l’Est que le peuple s’est levé. C’est du
monde arabe que vient le souffle, l’espoir, la conquête.
Ce
soulèvement contagieux, qui brave la violence de la réaction,
est saisissant. Il nous ravit. La révolte a des racines profondes
mais elle ne prévient pas : elle s’exprime tel un oxymore, mêlant
la surprise à l’évidence. Comme si la raison de la révolte
avait ses coeurs que la raison n’a pas : un déclencheur qui
se niche dans un imaginaire commun fédérant des subjectivités,
un sentiment partagé de n’avoir rien de plus à perdre,
une conscience soudaine de la force du nombre quand on dit
ensemble « dégage ! » ou « emploi, liberté, dignité ». Ces mouvements
émancipateurs se sont déployés sans parti-guide, ni
homme providentiel. C’est l’irruption du peuple sur la scène
sociale et politique qui permet de soulever des montagnes.
Un dictateur déchu. Une appropriation de la parole politique.
Qu’elle que soit la perspective, la suite des événements, il se
produit une rupture, un mouvement de fond et un changement
du regard.

Nous sommes à l’Ouest…. Prenons-en de la graine. Car nous
célébrons, à grand renfort de médias, les événements du
monde arabe, en validant l’idée que les milliers, les millions de
personnes qui se rebellent en Tunisie ou en Egypte s’expriment
au nom du peuple tunisien ou égyptien tout entier. Que
cette foule rebelle a raison. Ainsi, le peuple, avec sa double
dimension de catégories subalternes et de figure à vocation
universelle, est valorisé, encensé, remercié. Là-bas. Le peuple,
moteur de l’histoire ? Quelle découverte ! Les politiques qui
gouvernent contre lui ailleurs, ici, en méprisant ses aspirations
et ses contestations, manient donc le double langage.

Enfin, cette révolution du monde arabe est un joli pied de nez
à tous les amateurs de la théorie du « choc des civilisations ».
Non, les Occidentaux ne sont pas les détenteurs des valeurs
de liberté, d’égalité et de démocratie. Oui, le monde arabe
invente et nous avons à apprendre de lui. Jusqu’où cela changera-
t-il notre regard’

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