La rue a grondé, Sarkozy est en difficulté. La gauche n’a pas pour autant le vent en poupe
. Cette situation est préoccupante. Marine Le Pen monte en puissance. Elle ne cède en rien, sur le fond, à la virulence paternelle ? Sans aucun doute. Mais elle déplace suffisamment l’argumentaire frontiste pour que l’on se mette ouvertement, à droite, à suggérer son insertion dans un dispositif majoritaire. Ne tournons pas autour du pot. Une conjonction structurelle de toutes les droites, de l’extrême droite au centre-droit : ce qui se dessine est une « italianisation » de la vie politique française. Quand l’horizon est bouché, sur les décombres de la grande espérance sociale et de « l’Etat providence », la voie d’une droite radicalisée peut être attractive. Elle est socialement, politiquement et moralement catastrophique.
Cela ne l’empêche pas d’être durable, alors même que le flot des critiques s’élève contre son exercice. Car, pour faire reculer le berlusconisme ou le sarkozysme, il ne suffit pas de rassembler les démocrates contre les héritiers du fascisme. Songeons sérieusement aux erreurs de la gauche transalpine qui a choisi la voie du centre-gauche. Dans un premier temps, celle-ci réussit à chasser Berlusconi mais, faute de résultats, elle a ouvert la porte à son retour dans une forme encore plus arrogante, dangereuse et caricaturale. A l’arrivée, ce fut donc la défaite des coalitions du centre-gauche, une bérézina pour la gauche radicale et une incrustation de la droite dure dans le paysage italien. Face à une droite qui flirte avec son extrême, la tentation du centre est grande. Quand l’espace démocratique se délite, le rassemblement républicain n’est-il pas le meilleur antidote ? « Tous contre le pire » : cette petite musique risque de grandir chez nous.
Or cette solution, séduisante de prime abord, est de trop courte vue. Si la gauche veut s’imposer, et durablement, elle doit s’attacher à redonner des perspectives tangibles aux catégories populaires déstabilisées, du sens à une lutte sociale qui a besoin de projet, des axes radicalement transformateurs à une République qui a perdu le sens du bien commun. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que la gauche critique n’arrive pas à peser suffisamment. Divisée, hésitant entre le splendide isolement et la subordination à une social-démocratie recentrée, elle n’est pas encore en ordre de marche efficace. Relèvera-t-elle le défi, notamment dans la perspective de 2012 ? Il le faut. Car face à une droite recomposée et radicalisée, la réponse se situe bien à gauche. Pas au centre.
Clémentine Autain
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