Deux questions à Paul Dietschy

P eut-on dire que le fooball incarne la  part «heureuse» de la mondialisation ?

La diffusion mondiale de cette discipline reflète dans un premier temps la montée en puissance de l’impérialisme des grandes puissances européennes, et d’échanges commerciaux inégaux. De ce point de vue, il s’agit d’un produit de domination. Mais il a également permis aux peuples dominés de lutter contre cette emprise européenne, notamment en Afrique, où il a servi à cristalliser les identités nationales. Aujourd’hui, les rendez-vous des Coupes du monde se déroulent de manières assez pacifiques et constituent des rassemblements assez rares d’hommes de toutes cultures et nations. On assiste alors à la fabrication d’une culture commune mondiale. Évidemment, le Mondial n’échappe pas aux questions de l’argent ou des rivalités diplomatiques. Et il demeure avant tout un lieu de conservation de la suprématie européenne.

Quelle est la situation du foot amateur africain aujourd’hui ?

Il subit le grand paradoxe africain, qui consiste en un Etat tout puissant et en même temps impotent. Après la décolonisation, les nouveaux Etats ont pris en charge les fédérations, ainsi en Côte d’Ivoire, le premier président n’était autre que le ministre de l’Intérieur. Toutefois, l’essentiel des efforts portait sur l’équipe nationale et l’élite. Il ne manifestait pas forcément de préoccupations pour le foot amateur. Ce dernier s’organise donc avec le secteur informel, comme pour beaucoup de domaines de la vie en Afrique. C’est d’ailleurs ce qui fait une partie de la vitalité du continent. Il s’agit d’un sport pratiqué entre soi, sans être licencié souvent, avec des structures originales, comme les Navétanes au Sénégal, qui organisent des tournois durant la saison des pluies, et par des associations représentant des quartiers, des championnats renommés. C’est la force vive du football sénégalais. L’Etat est donc assez peu présent, et le financement provient en général d’acteurs privés ou extérieurs (par exemple, les projets «goal» de la Fifa). Les niveaux amateurs résultent en conséquence d’une pratique informelle ou associative, un football un peu parallèle, mais dont certains joueurs finissent par émerger. ? propos recueillis par n. k.

[[A lire : Paul Dietschy, Histoire du football, éd. Perrin,
]]D-C Kemo-Keimbou, L’Afrique et la planètefootball?, E/P/A.[[]]

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