Cercle vicieux

Frédéric Taddéï, animateur de «Ce soir ou jamais» sur France 3, en a parlé comme d’une plaie qui infecte les magazines et surtout les talk-shows:

le chroniqueur télé est en effet devenu un élément phare du PAF, une sorte de figure incontournable. Avec ses occasionnels, ses stars et ses bons clients. Si l’on y ajoute les consultants, experts en crise du Moyen-Orient, du terrorisme ou de Barack Obama, en gros toujours les mêmes, jamais la télé n’a semblé aussi ouverte à des «non-professionnels». Pendant que le journaliste se transforme en simple animateur n’interrogeant que pour rentabiliser la présence de son prestataire de service. Cette «invitation» à venir vivre son moment de célébrité dans la petite lucarne ressemble par de nombreux aspects à un «dîner de cons», sans que l’on sache qui joue le rôle du dindon de la farce. Peut-être nous autres, simples consommateurs d’images, tranquillement assis devant notre écran plat.

Première victime presque collatérale, tant il mange son chapeau depuis belle lurette, le journaliste télé. Comme l’explique Alain Vernon, de Stade 2, dans le bulletin du SNJ-CGT: «Il se passe dans le sport ce qui se passe ailleurs: les consultants remplacent les journalistes en matière économique, stratégique, militaire et politique.» En gros, les diverses rédactions ont rapidement ressenti le besoin de recrédibiliser leur offre éditoriale, «d’organiser» le débat, d’apporter «leur information» autrement, pour tout dire, de repasser un coup de peinture sur la fissure de la confiance du citoyen. En jugeant, à tort ou à raison, que le téléspectateur lambda ne considère pas ou plus le journaliste télé avec l’estime qu’il accorde à ses confrères des autres médias. Par ailleurs, l’uniformisation des contenus éditoriaux, jusqu’au format des plateaux, a amené à débaucher quelques mercenaires de la presse écrite ou radio, voire de la «société civile», histoire de glisser un peu de piment dans une recette de plus en plus éventée (dernier exemple, «Cactus» sur Paris Première avec ses intervenants «différents»). Quitte à le transférer ensuite, s’il sait se couler dans le moule audiovisuel, vers le pur divertissement comme avec «On n’est pas couché» de Ruquier sur France 2, où le multicarte néoréac Eric Zemmour vient incarner la droite décomplexée qui pense que les femmes n’ont rien gagné dans la parité et que les immigrés sont responsables du racisme. Une fois finies les pitreries pour le zapping, il enchaîne sur I-Télé dans «Ça se dispute» où, cette fois, Nicolas Domenach de Marianne lui rend la politesse en incarnant une gauche qui ne veut plus être «méchante». Tout cela demeurant entre gens du même monde, qu’il soit médiatique ou politique, puisque la télé demande en guise de mot de passe un certain seuil de notoriété qu’elle est seule à évaluer et, pour tout dire, à apporter. Un cercle vicieux dont il est plus facile d’être éjecté que de s’y faire une place. M.

Paru dans Regards n°59, février 2009

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