Alors que Xavier Darcos annonçait la suppression de 3000 postes dans les RASED , Gilles Brouck nous raconte pourquoi ce dispositif ne doit pas disparaître.
« Après quinze ans de pratique en tant qu’enseignant, je travaille depuis dix ans dans le cadre du RASED rattaché au secteur de l’Hautil (95), qui couvre quatre écoles, primaires et maternelles. Titulaire d’un diplôme spécialisé, je tente d’apporter une aide aux élèves en difficultés signalés par les enseignants. Après une évaluation individuelle, je prends en charge l’enfant dans un atelier de « remédiation » deux fois par semaine, en petit groupe. Je me définirais comme psychopédagogue. Le but est de comprendre le fonctionnement des élèves qui ne parviennent pas à rentrer dans les apprentissages. L’enfant peut être bloqué dans ses représentations, avoir des problèmes relationnels, de mémoire, de projection. On essaie alors de l’aider à surmonter ses difficultés, à construire des stratégies, à ce qu’il retrouve les sens des activités scolaires. Lorsque les difficultés sont trop lourdes, les enfants peuvent être amenés à consulter des spécialistes. Par ailleurs, il m’arrive d’appuyer les enseignants directement dans leur classe pour leur apporter un regard extérieur ou mettre en place des ateliers. Les réunions de synthèse permettent aussi d’échanger avec les équipes pédagogiques sur les pratiques.
Malgré l’importance de ce travail en réseau entre enseignants, psychologues, rééducateurs, mais aussi les familles, l’Education nationale veut supprimer les 3 000 postes de RASED. Avec cette fausse compensation des deux heures de soutien par semaine. Mais travailler sur les contenus scolaires est autre chose que travailler sur l’enfant ! Faire un amalgame entre les différents types d’aide est dangereux. On fait croire que tout enseignant peut aider n’importe quel élève. L’aide personnalisée aidera sûrement certains élèves, mais pour d’autres, l’acharnement pédagogique pourra amplifier les difficultés.
Il est difficile voire impossible de quantifier les effets des RASED. Souvent, sans même commencer réellement à travailler, les choses changent au bout de deux séances. Le fait de détecter les difficultés très tôt n’est pas non plus visible. Je peux prédire, en tout cas, que le taux d’échec scolaire, stable depuis longtemps à 15 %, risque de bondir à 30 % avec les suppressions des réseaux. D’autant qu’on repère de plus en plus d’élèves en difficulté, des enfants très agités, qui manquent de repères, et ce, dès la maternelle. Nous passons aujourd’hui beaucoup de temps à aider l’enfant à construire son métier d’élève. En CP et CE1, on ne travaille plus forcément sur la lecture, mais sur les repères nécessaires en amont, comme la catégorisation. Les enseignants ont de plus en plus de difficulté à gérer ces élèves avec le reste de la classe. Si les RASED disparaissent, cela sera pire. On risque de revenir à l’ancien système avec la recréation de classes spéciales, et donc de « ghettoïser » l’échec scolaire. Xavier Darcos est récemment revenu sur sa décision, en annonçant une suppression de la moitié des postes RASED. Mais je pense qu’il recule pour mieux sauter. Qu’on se rende bien compte des conséquences sur l’école si nous disparaissons ! » Propos recueillis par Samuel Lehoux
Paru dans Regards n°59, février 2009
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