Conflit israélo-palestinien, la politique contre les confusions

Durant l’opération israélienne «Plomb durci» menée en janvier dans la bande de Gaza, le gouvernement français n’a eu de cesse de s’inquiéter des «risques d’importation du conflit» israélo-palestinien en France. Une «importation» dont le danger serait, selon lui, qu’elle se manifeste sur le sol républicain par des tensions accrues entre les communautés juive et arabo-musulmane. Des actes isolés, dont trois tentatives d’incendie de synagogues, sont venus accréditer cette thèse. Il faut donc répondre à tous les termes de cette proposition. Qui importe? Quel conflit? Et, au final, pour quels risques? Ce que l’on voit, c’est, d’un côté, un conflit qui se joue en Palestine. Et de l’autre, en France, une forte mobilisation en faveur de Gaza mais aussi des appels à soutenir la politique d’Israël.

En France, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), dans la droite ligne de ce que fait l’Etat d’Israël, entretient volontairement, par ses appels à faire «bloc derrière l’Etat d’Israël», une confusion entre le judaïsme, religion vieille de plusieurs siècles, et le sionisme, idéologie politique née à la fin du XIXe siècle. L’objectif? Imposer une lecture religieuse et civilisationnelle du conflit israélo-palestinien. Les premiers à dénoncer cela sont des juifs israéliens. Tels que, pour ne citer que les plus contemporains, Yeshayahou Leibovitz, Michel Warschawski, Avraham Burg ou Shlomo Sand, qui ne cessent de rappeller qu’il s’agit d’un conflit colonial.

On sait que, mené pour s’accaparer une terre et ses ressources, un projet colonial s’embarrasse en vérité bien peu de la religion ou de la couleur de peau de ceux qui y vivent. Et il sait, au besoin, utiliser ces paramètres pour justifier son entreprise ou en détourner l’attention. Résultat: dans les têtes de certains manifestants français de ce mois de janvier, le soldat israélien est avant tout un juif. Et les synagogues deviennent tout naturellement les temples des amis d’Israël. La confusion est là. Bien entretenue par le gouvernement français qui convoque systématiquement les dignitaires religieux pour lancer des appels au calme.

Ces confusions sont porteuses de risques pour l’avenir. Car l’impuissance du politique à régler de façon juste la question palestinienne les renforce. Et elles ont lieu en France, un pays où la haine du juif :une construction chrétienne, faut-il le rappeller: a toujours existé et peut probablement se réinstaller vite, ce qui exige une vigilance de tous les instants.

Dans ce contexte, la gauche a un rôle essentiel à jouer. D’abord, tout en refusant de céder aux tentations de panique antisémites, elle doit faire le ménage chez elle. Des poches d’antisémitisme ont toujours existé au sein de la gauche radicale. Et il reste de nombreux paumés pour soutenir Dieudonné, ou pour mettre sur un même plan le nazisme et Israël. Autant d’amalgames qu’il convient de condamner totalement, fussent-ils minoritaires: ils sont en contradiction absolue avec les valeurs de justice, d’égalité et de fraternité défendues par le mouvement de solidarité avec les Palestiniens.

La gauche doit aussi réoccuper des terrains désertés depuis trop longtemps. Les quartiers populaires et leur jeunesse ne doivent pas être laissés aux seules mains d’associations plus ou moins «communautaristes». Sans exclure quiconque du nécessaire dialogue, il s’agit de réinjecter partout de la pensée et du débat politique et de mener un travail d’éducation populaire. D’autant que l’inquiétude répetée du gouvernement de voir «l’importaiton du conflit» du côté des quartiers, témoigne en creux de sa crainte de voir cette population prendre pleinement sa place au sein de la République: des citoyens qui votent, manifestent et peuvent faire converger des luttes.

On a entendu quelques slogans antisémites dans les cortèges, on a vu des drapeaux d’Israël brûler. Mais on a vu aussi, partout, des réactions immédiates de la part de manifestants, dialoguant pour tenter d’en faire comprendre la bêtise et le danger. On a vu l’Union juive française pour la paix (UJFP) défiler sous une banderole commune avec l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). Parions sur le positif: la mobilisation est là, les solidarités aussi. De nouvelles générations se retrouvent pour défendre la Palestine et exiger une résolution juste du conflit. La gauche doit rester vigilante et éclairer les confusions.

E.C.** ET **E.R.

Paru dans Regards n°59, février 2009

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