Si le chemin sera long et difficile, l’étape de l’appel de Politis à Gennevilliers a montré la vivacité et la permanence du désir de convergence pour une gauche de gauche. Comment transformer cette aspiration unitaire en force politique constituée ? Telle est la question.
Est-ce l’ambiance anxiogène de la crise financière, est-ce le sentiment de plus en plus fort d’impasse à gauche, serait-ce la crainte de voir l’initiative du NPA occuper tout le terrain à la gauche du PS ? Les explications peuvent être multiples mais le constat est là : la première rencontre à Gennevilliers des signataires de l’Appel de Politis le 11 octobre dernier a remporté un vif succès avec près de 700 participants. Et il « s’est passé quelque chose » : un désir fort a été exprimé pour qu’une alternative gauche de gauche s’organise maintenant, qui trancherait avec les propositions socialiste et celle du NPA. Depuis l’expérience des collectifs antilibéraux, la création d’une nouvelle force politique ne semble plus taboue. Cela explique peut-être pourquoi Jean-Luc Mélenchon, non signataire de l’appel, avait tenu à faire le déplacement tandis que le NPA avait dépêché des observateurs… Même Marie-George Buffet y a été de son message écrit, fort peu apprécié : si elle s’est déclarée intéressée par la démarche, elle refuse d’y associer le PCF. Un message très clair envers les Communistes unitaires venus en nombre pour s’impliquer dans cette initiative.
URGENCES DE TRAVAIL
Au-delà de la déclaration de principe défendue par Denis Sieffert, qui dresse six « urgences » de travail (économique, sociale, écologique, démocratique, européenne et pour une politique de paix), le débat a moins porté sur le constat : la nécessité de s’unir autour d’une force : que sur le rythme et les formes que doit prendre une telle initiative. Que faire des organisations politiques de gauche qui vont tenir congrès dans les mois à venir ? Faire sans eux ? Attendre que Jean-Luc Mélenchon sorte du PS, que les Communistes unitaires quittent le parti, que la gauche des Verts, avec Martine Billard, fasse sécession ou que la tendance Unir de la LCR lâche le navire NPA ? A force de prendre son temps, on risque de le perdre tout court. Le risque « c’est de laisser du monde au bord du chemin par précipitation, a résumé Roger Martelli. Rien ne serait pire que nos divisions mais rien ne serait pire non plus que notre enlisement et l’immobilité. »
Nadine Stoll (Communistes unitaires) estime qu « il ne faut pas attendre les partis politiques. Notre idée, c’est de structurer une nouvelle force autour des militants mais pas de créer une congrégation d’organisation politique » . Car l’idée d’une fédération à gauche du PS peut séduire, notamment chez celles et ceux dont les positions de rupture dans leurs partis les poussent à bouger. Pour Patrick Braouezec, « l’urgence, c’est de fédérer les forces militantes car cette fédération doit permettre aux militants des partis politiques d’y adhérer » . Ainsi, un des enjeux est trouver comment agencer la diversité des appartenances et des cultures politiques et d’inventer une forme d’organisation digne de notre temps. « Les partis d’avant-garde, c’est terminé !, a tonné Claire Villiers dans une intervention remarquée. La société a profondément changé. Notre diversité n’est pas un handicap, c’est le miroir de comment nous voulons faire avancer la société. Si nous voulons intégrer différentes forces sociales, il faut construire une dialectique du dire et du faire, avoir des expériences militantes et politiques. »
LE DIRE ET LE FAIRE
« L’assemblage sera difficile » , a reconnu Denis Sieffert. La question est surtout de savoir si celles et ceux qui se reconnaissent dans cette gauche de gauche « passeront de l’intention à l’acte » , comme l’a justement soulevé Clémentine Autain. Une première étape pourrait être de présenter une liste européenne commune à l’image du front du « non » au TCE.
L’autre pari de cette initiative, c’est celui de l’ouverture et du rajeunissement. Car force est de constater que, malgré une forte participation, on parle beaucoup entre soi. L’assemblée manquait sensiblement de jeunes, de femmes, de représentants des quartiers populaires. Et si certaines interventions ont montré des réflexions intéressantes et un niveau d’analyse de la « logique » capitaliste plutôt élevé, certains thèmes sont, eux, restés sur le bord de la route : précarités, questions de genre, droit à la santé, libertés sont autant de questions fantômes. E.C.
Paru dans Regards n°56, novembre 2008
Laisser un commentaire