Crise du capitalisme : en quête d’alternative

La crise du capitalisme

montre, s’il le fallait, que la mise en cause radicale de notre système économique est d’une profonde modernité. Alors même que les effets dans l’économie réelle sont encore devant nous, la légitimité du capitalisme est désormais atteinte. Pas question pour autant de se frotter les mains d’une telle leçon de chose car les catégories populaires et les peuples du Sud seront les premières victimes de la récession économique. Les dégâts risquent d’être considérables. Si les puissants de ce monde en portent la responsabilité, les mouvements politiques qui travaillent au dépassement du capitalisme et à la définition d’un autre modèle de développement sont interpellés. Que proposent-ils, que propose-t-on ? Quelle est la crédibilité des réponses, en termes de faisabilité dans un contexte de globalisation libérale et de constitution de majorités d’idées et d’actions ? Comment transformer ?

Pour ce que l’on en perçoit à ce jour , l’espace politique est assez désarmé et désarmant. A droite comme à gauche, les discours sont soumis à la contorsion. Face au désastre en cours, tout le monde tricote autour de la régulation et de l’humanisation de notre économie, « devenue folle », comme si elle ne l’était pas déjà avant. Les dérives du marché sont même dénoncées, la main sur le cœur, par les tenants d’une droite ultralibérale, métamorphosée pour l’occasion en apologiste de l’Etat : il faut bien qu’il en reste un peu pour payer la facture des défaillances capitalistes… Le PS n’est pas à son aise. Comment pourrait-il en être autrement d’un parti qui vient d’adopter une charte on ne peut plus claire sur son option d’adaptation au libéralisme économique ? Les socialistes tentent tout de même de donner le change, attaquent Nicolas Sarkozy, proposent quelques nouvelles « règles de bonne conduite ». Mais leur abstention au Parlement sur le vote en faveur du plan de sauvetage des banques est significative. Il faut dire que les tenants du libéralisme se sont exprimés ouvertement il y a peu au sein du PS, des ténors socialistes sont à la tête d’organismes de gestion de la globalisation (DSK, Lamy) et puis, souvenez-vous, « l’Etat ne peut pas tout » (Jospin en 2002 devant des salariés mobilisés contre des licenciements). Comme le résumait un édito du Figaro, le PS n’arrive pas à se démarquer et manque singulièrement d’imagination. Il manque surtout de fil à plomb pour combattre l’ordre dominant. Dans le contexte, on comprend que la motion défendue par Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon prospère… Jusqu’où ? L’improbabilité d’arriver en tête, de pouvoir constituer une majorité au sein du PS sur une ligne clairement à gauche n’en dit-elle pas long sur les évolutions de cette formation politique ? Quelles conséquences les militants socialistes porteurs d’une autre gauche vont-ils tirer du Congrès qui s’ouvre ?

Dans la gauche radicale , le PCF et la LCR, dynamisée avec la création du NPA, sont évidemment plus à l’aise pour dérouler le registre anticapitaliste. Pôle public bancaire, taxation des profits, augmentation des salaires et minima sociaux, refonte des organismes internationaux, transparence des marchés, lutte contre les paradis fiscaux… Une autre logique est avancée. La modification substantielle de la répartition de la valeur ajoutée, pour changer le rapport capital/ travail, est un axe commun aux différentes sensibilités de la gauche critique, même s’il est aujourd’hui défendu séparément et perd donc force et lisibilité. De ce côté-là, on sait que la « moralisation » du capitalisme est une impasse : seul le parti pris de l’affrontement avec lui est réaliste si l’on veut modifier sérieusement et durablement la donne. C’est bien le cœur de la mécanique qu’il faut toucher. Non pas en prétendant que, demain matin, on va renverser le capitalisme et raser gratis. Mais en cessant de jouer les naïfs sur la nature profonde de notre système et en revendiquant haut et fort un changement de paradigme, pour bâtir un développement humain. Discuter de la viabilité économique de l’alternative est un vrai sujet, comme l’explique Michel Husson dans Un pur capitalisme, ouvrage qui a le mérite de ne pas en rester au seul constat accablant comme l’essentiel de la production récente sur le capitalisme, mais de dresser une perspective avec le souci de la crédibilité et de l’articulation entre réponses gouvernementales et mobilisations sociales.

Le projet d’une gauche de transformation sociale digne du XXIe siècle reste à construire. Cela ne signifie pas que les soubassements d’une alternative soient introuvables. Encore faut-il se mettre en mouvement et au travail… La crise financière invite à repenser l’horizon économique et, plus globalement, un changement de société. C’est une chance si l’on sait la saisir, si une force politique suffisamment large pour être utile arrive à émerger. Encore faut-il sortir de nos vieilles lunes…

C.A.

Paru dans Regards n°56, novembre 2008

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