Propositions pour un postcapitalime

Un vent de panique souffle sur les économies libérales. Le système s’épuise et les États courent après des recettes miracles sans s’attaquer aux fondements du problème : le capitalisme. Au lieu de reconnaître leurs échecs, les plus libéraux s’évertuent à sauver ce qui reste. Il y a pourtant des pistes pour des alternatives, au-delà d’une « moralisation des marchés ». C’est un nouveau modèle de société, postcapitaliste, qu’il faut trouver.

Les derniers soubresauts de la finance mondiale ont obligé les gouvernements libéraux à reconnaître l’échec des politiques menées. Mais si la « crise financière » fait la une de l’actualité, beaucoup oublient que cette crise est latente depuis l’été 2007. Revenons sur l’« origine du mal » : le dérèglement financier viendrait de la crise des subprimes. Plus que ces crédits hypothécaires américains, c’est clairement le système économique qui les sous-tend qui est en cause. Après l’éclatement de la bulle des nouvelles technologies en 2001, les investisseurs américains se sont tournés en particulier vers l’immobilier. On a alors poussé les ménages peu solvables à s’endetter, en favorisant notamment les crédits immobiliers dits subprimes. Le système ne pouvait fonctionner que si les taux d’intérêts restaient bas et si le prix de la pierre augmentait. Or, c’est le contraire qui s’est produit. Car ces crédits sont accordés à des conditions délétères : les taux d’intérêts sont indexés sur le taux directeur de la Réserve fédérale américaine, qui est passé de 1 % à 5,75 % entre 2001 et 2006. Beaucoup d’emprunteurs, dans l’incapacité de s’acquitter de remboursements croissants, ont été obligés de céder leur logement. Ces ventes massives ont provoqué une baisse du prix de l’immobilier. Entre 2004 et 2007, près de deux millions d’Américains avaient déjà dû se séparer de leur maison. Les établissements de crédits n’ont pas résisté longtemps. D’où l’affolement au sein des banques qui détenaient leurs actifs.

VENT DE PANIQUE

En août 2007, un premier vent de panique est observé. Plusieurs Banques centrales mettent à la disposition des établissements bancaires plus de 400 milliards d’euros sous forme de prêt. Le marché repartant à la hausse, on en est d’abord resté là, sans que ne soient remis en cause les fondements de cette économie. Arriva pourtant une succession de faillites, puis d’appels au secours de groupes américains, et enfin de nationalisations déguisées, par exemple Bear Stearns. Sans que l’Etat américain ne songe à se pencher sur la situation des particuliers endettés et délogés.

La crise observée depuis août dernier était donc inévitable. Le Trésor américain s’est trouvé contraint de réagir pour sauver de la faillite deux géants, Fannie Mae et Freddie Mac. Il lui en a coûté 200 milliards de dollars. Puis, il en a déboursé 85 milliards pour le mastodonte de l’assurance AIG. Depuis, toutes les économies occidentales s’agitent pour aider leurs banques. Déjà 25 pays ont adopté un plan de sauvetage, à l’instar du plan Paulson (voir article ci-dessous). De son côté, Nicolas Sarkozy s’évertue à élaborer un plan européen, décliné par chaque gouvernement national. A l’échelle de l’Union européenne, 2 000 milliards d’euros de garanties pour le système bancaire pourraient être déboursés. En France, il est prévu d’apporter 360 milliards d’euros, dont 10,5 milliards d’euros versés en urgence pour les six plus grandes banques privées françaises. Mais si on refait les comptes de l’argent injecté, on arrive à des sommes bien plus colossales que celles-ci. Le New York Times daté du 18 octobre arrive ainsi à un montant de 4400 milliards de dollars quand il cumule l’ensemble des aides accordées aux banques américaines depuis janvier 2008. Si cette somme n’a pas vraiment de sens en soi, puisqu’on ne peut additionner des garanties de risque aux achats d’actions, elle a de quoi saisir.

FENETRE SUR L’AVENIR

Et maintenant ? La crise a été l’occasion de mettre à la portée de tous des connaissances et chiffres le plus souvent ignorés et incompris. On a ainsi appris que plusieurs banques européennes avaient un actif qui dépasse dans des proportions folles le PIB de leur pays (notamment en Irlande ou en Islande). Quant aux chantres du système de retraite par capitalisation, que Raffarin et Fillon n’ont eu de cesse de vendre en France, ils auront bien du mal à cacher la déconfiture des fonds de pension : de juin 2007 à juin 2008, ils ont perdu 10 % de leurs actifs, soit 1000 milliards de dollars (environ 744 millions d’euros). Et les fonds de pension des 500 premières entreprises américaines cotées ont perdu déjà plus de 205 milliards de dollars… L’impact sur les retraites sera indéniable. Quant au débat parlementaire sur la loi de finances 2009, il risque d’être cocasse : avant même d’être discutés, les postulats du budget de l’année prochaine sont déjà erronés.

L’échec du système capitaliste n’est plus à démontrer, même si ses partisans veulent encore y croire. Des alternatives au système, beaucoup cherchent à en construire. La crise actuelle offre une fenêtre inédite pour imposer un discours différent. Reste à savoir si la gauche majoritaire sera capable de s’en saisir, tant elle s’est fait elle-même berner par les sirènes du capitalisme. Emmanuelle Cosse

Paru dans Regards n°56, novembre 2008

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