Par Nicolas Kssis
Vous aimez le jogging ? Vous savez, l’activité physique la moins ludique au monde, la plus emblématique des années 1980, l’ère du management et du culte de réussite individualiste, bref la pratique sportive égoïste et asociale par excellence ? Notre président, lui, en raffole ! C’est le premier changement de « culture » à l’Élysée, à en croire son premier ministre Fillon, lui aussi contraint de chausser ses baskets. Le vrai signe de la rupture tranquille, en attendant le plein emploi promis et le bonheur à l’école avec la fin de la carte scolaire : le président court. Jacques Chirac restait plutôt un marcheur, entre deux poignées de main dans les travées du Salon de l’agriculture, et François Mitterrand chaussait les bottes d’un promeneur contemplatif dans la campagne de son enfance. Sans conteste, de ce point de vue, il existe bel et bien une accélération de la cadence. Vers où, on ne sait pas trop.
Allez, ne chargeons pas trop la bête. Sarko n’est pas le premier homme politique à jouer l’athlète pour démontrer son allant. La métaphore sportive est tentante, surtout quand on recherche l’impact visuel. Le courageux et fameux « No sport » de Winston Churchill fut une exception durant le XXe siècle. Toutes tendances confondues, les dirigeants du monde ne cessèrent de montrer leurs muscles pour impressionner le peuple. Les dictateurs notamment, dans des systèmes où la mort du tyran demeure le seul chemin de passation du pouvoir, donnèrent de leur personne pour calmer les rumeurs sur une santé défaillante ou leur manque de ténacité à la tête des affaires. Rappelez-vous Mao Zedong traversant à la nage le fleuve Yangzi. Fidel Castro ne ratait pas de son côté une occasion de s’adonner à la pêche sous-marine ou de manier en public la batte de base-ball, enfin, quand il tenait encore debout.
Cela dit, nos démocraties, à l’heure du tout-télé, ne purent qu’encourager le personnel politique à enfiler leur short. Et si le footing emporte tous les suffrages, c’est qu’il offre tous les avantages. Simple, efficace, permettant dans la même image d’imiter le quidam du dimanche matin, mais entouré d’une flopée de gardes du corps qui signalent la fonction. Bill Clinton rentabilisa à fond ce principe de base : minimum d’investissement pour un maximum d’effet médiatique. L’image ne choque plus personne là-bas, presqu’une figure imposée désormais. Mais au pays de De Gaulle, le choc est certain. Et Sarkozy aime tant les sportifs qui l’ont soutenu, pas au point de leur donner un vrai ministère certes, mais assez pour transpirer de temps à autre comme eux. Après tout, il visite bien des usines… N.K.
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