La déroute de la gauche serait le produit d’une absence d’analyse d’un certain nombre de mutations au sein de la société française et de la communauté internationale. Pour Jean-Christophe Le Duigou (1), « la gauche connaît encore des difficultés à capter les aspirations des citoyens au changement ». Dans le domaine du travail par exemple. La volonté de rupture affichée par Sarkozy, candidat d’une droite en apparence rassemblée, lui a permis de s’emparer de ce thème pour canaliser une partie de ces espérances.
De même, les classes populaires ont désavoué la gauche car elle n’a pas été en mesure, selon le secrétaire de la CGT, de concevoir un modèle interventionniste capable de faire face à la financiarisation de l’économie : « Le seul développement de l’appareil d’Etat ne peut pas être une réponse au libéralisme, sans réflexion autour des besoins actuels de la société. Là encore, la gauche n’a pas intégré ces évolutions profondes pour renouveler son projet », commente-t-il en soulignant la nécessité de « dépasser une approche simplement antilibérale ». Quant à la démocratie participative, cheval de bataille du Parti socialiste, Jean-Christophe Le Duigou juge inefficace ce procédé politique : « Nous avons besoin d’une transformation de la politique correspondant aux transformations de la société et non d’une simple technique ».
Effort collectif et politique de solidarité
Immobile et conservatrice la gauche ? « Si elle campe sur la défense d’acquis sans être capable de remettre les droits sociaux dans une perspective d’avenir, alors elle se met en porte-à-faux avec les mutations sociétales au lieu de les anticiper », assure-t-il. En tant que syndicaliste, Jean-Christophe Le Duigou se réjouit évidemment du succès rencontré par les mouvements sociaux de 95 ou dernièrement contre le CPE. Mais regrette cependant qu’aucun enseignement collectif de ces luttes n’ait été tiré afin de construire un projet global. Et d’ajouter : « Pour justifier leur conquête du pouvoir, les partis politiques ont cru à tort qu’ils pouvaient s’appuyer sur ces composantes horizontales, sans pour autant fonder avec elles un programme commun ».
Aujourd’hui s’offrent à la gauche de nouveaux champs d’action sociale, économique, environnementale, institutionnelle et démocratique. « Il est temps de repenser les articulations entre les différents acteurs de la vie politique – partis, syndicats, associations : à l’échelle régionale, nationale, européenne et mondiale. Favoriser l’émergence de structures non étatiques ou paraétatiques, notamment dans le secteur de la protection sociale. Recourir à des experts, au fait des réalités sociales, en vue de bâtir un projet politique de solidarité transversale et d’effort collectif », préconise Jean-Christophe Le Duigou. Car si l’effort n’est pas une « vertu de droite », il pourrait bien devenir un « objectif pour la gauche ».
Interview audio
Pour écouter un résumé de l’entretien avec Jean-Christophe Le Duigou , cliquer sur
(1) Jean-Christophe Le Duigou est secrétaire de la Confédération Générale du Travail (CGT) et membre du Conseil d’orientation des retraites. Il a participé à tous les grands rendez-vous sociaux et économiques de la dernière décennie. Bibliographie:
2005 : « Demain le changement : Manifeste pour un nouveau syndicalisme » (Armand Colin)
2005 : « Les retraites, quelle justice ? » (Editions de l’Atelier) avec Alain Houziaux, Robert Rochefort et Patrick Artus
2002 : « Pour ou contre les fonds de pension » (Grasset) avec W. D. Crist
1999 : « L’Avenir des retraites » (Editions de l’Atelier) avec J-M. Timlisse et M. Gairaud
1998 : « Demain l’emploi. Travail, emploi et salariat : quelle dynamique ? » (Editions de l’Atelier) avec Roland Le Bris
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