Collectifs unitaires, LCR, Parti communiste et bien d’autres ont trouvé au moment du référendum un langage commun : l’antilibéralisme. Cette accoutumance au rassemblement pourra-t-elle les rapprocher autour d’une candidature unitaire ? Reportage au sein des collectifs et état des lieux au PCF et à la LCR.
Comment bien cerner les quelque 700 collectifs locaux qui rassemblent chacun entre une poignée et plusieurs dizaines de militants couvrant tous les départements ? Ce qui est sûr, c’est la diversité. Il y a là des communistes, des trotskystes, des associatifs, des Verts, des altermondialistes, des socialistes du courant de Jean-Luc Mélenchon… et même des citoyens qui ne se revendiquent de rien mais aspirent à faire de la politique autrement. Héritiers des collectifs du « non » au référendum sur la Constitution, ils ont appris une langue commune, celle de l’alternative au libéralisme. Avec ce langage s’est esquissé un patrimoine collectif. Les réunions nationales des collectifs ont permis de fixer plusieurs des grands enjeux de la dynamique unitaire. La première établissait, le 10 septembre à Saint-Denis, un « objectif » et une « stratégie ». La deuxième, les 14 et 15 octobre, a vu avancer le programme et la méthode de désignation. C’est le troisième de ces grands rendez-vous, les 9 et 10 décembre, qui concentre les crispations et fait apparaître les fissures. C’est à cette date que doit aboutir l’ensemble de la démarche, soit la désignation du ou de la candidate et de son groupe de porte-parole. Par quel moyen ? Le « double consensus » répondait le texte fondateur du 10 septembre : « Il faut débattre pour se convaincre et chercher à bâtir un double consensus : au sein des collectifs et entre les organisations pour choisir celle ou celui qui incarnera sur le bulletin de vote notre rassemblement », précisait le texte.
Qui de Clémentine Autain, José Bové, Patrick Braouezec, Marie-George Buffet ou Yves Salesse sera en mesure de porter la candidature antilibérale devant les électeurs ? En traînant son micro dans les réunions des collectifs locaux ou en guettant les forums de discussion, plusieurs tendances se dégagent. La remarque d’un membre de collectif résume une tendance émergeante vis-à-vis de José Bové : « Je pensais qu’il pouvait être notre candidat de rassemblement le plus large. Cependant, ses attaques contre le PC et donc ses adhérents, pour moi qui ne suis ni membre du PC, ni soutien de Marie-George Buffet, outre qu’elles stigmatisent par la négative la plus grande partie de notre rassemblement, commencent à irriter. » Au-delà, pour ses détracteurs, le leader paysan aura fait une mauvaise campagne, rivé sur la thématique des rapports Nord/Sud, au détriment d’une vision précise des enjeux nationaux. De leur côté, ses défenseurs mettent en avant son expérience syndicale, sa popularité et son talent médiatique.
Marie-George Buffet possède l’atout de diriger une formation politique souvent reconnue dans les collectifs locaux pour son rôle déterminant dans la victoire du « non » au référendum. Cette filiation avec un instant politique fondateur offre d’abord au PCF une présence massive de militants communistes dans les collectifs. Olivier, un participant d’un collectif local, résume un point de vue souvent entendu : « Je ne vois pas comment le PCF pourrait accepter que cela ne soit pas Marie-George Buffet, compte tenu du poids et du travail de ses militants et de l’enjeu vital que représente pour lui cette candidature. Mais je ne vois pas non plus comment une candidature de Buffet pourrait ne pas apparaître comme de la récupération au profit du seul PCF, comme évoquant le passé plutôt que l’innovation, et comme liée à la gauche plurielle et à de futures alliances avec le PS, nécessaires au PCF pour conserver ses élus dans les municipalités, conseils généraux et régionaux. » « La grande absente, poursuit-il : une réelle dynamique populaire au sein des collectifs. » La défiance à l’égard d’une candidature de Marie-George Buffet se révèle à l’image de la position d’une majorité des membres du collectif national. Autre interrogation, exprimée avec impatience par Gérard, du collectif de Clermont-Ferrand, sur la question du consensus : « Allez-vous l’entendre, camarades communistes ? On vous dit et on vous répète que Marie-George Buffet ne fait pas consensus et vous voulez entendre qu’il s’agit d’un «refus du PCF». Ça devient très lassant et on est mal barré pour le 10 décembre. Si dans les collectifs locaux vous voulez jouer au bras-de-fer avec les autres, vous allez gagner car c’est vous qui avez les plus gros muscles. Mais nous perdrons tous et vous les premiers. » Ambiance.
Des quatre candidats qui reviennent le plus souvent dans les choix des militants, Yves Salesse et Clémentine Autain se démarquent. Sur les 60 des quelque 700 collectifs locaux qui avaient exprimé leur choix fin novembre, le président « en congé » de la fondation Copernic et l’adjointe à la mairie de Paris arrivaient le plus souvent en tête. Yves Salesse, souvent appelé sur les forums le « théoricien » du mouvement, semble inspirer confiance. « Sa compétence et le rôle central qu’il joue dans la démarche antilibérale de gauche depuis deux ans le désignent pour être le candidat du rassemblement, le candidat soutenu par toutes les sensibilités, par tous les électorats de gauche qui ont dit «non»au néolibéralisme », écrivait Raoul Marc Jennar en septembre. Mais ce qui est analysé par les uns comme des qualités (doué d’une certaine expérience, énarque et intello du mouvement) provoque la défiance des autres ; qui préfère louer les qualités de Clémentine Autain. Ainsi pour Thomas, « Elle va plus facilement incarner un renouveau. Le vote féministe va être essentiel pour enrayer le bulldozer du vote utile pour Royal. » D’autres enfin, comme Daniel, estiment que sa « jeunesse » constitue un atout autant qu’un handicap. Elle lui confère « fraîcheur, sincérité, enthousiasme, langage direct » mais le militant bute sur son « inexpérience ». Enfin, de collectifs locaux en forums de discussion, émerge, et c’est peut-être encore le seul et réel consensus, l’obsession de ne pas décevoir ceux qui espèrent l’aboutissement de la dynamique unitaire. A l’instar de Katia, du collectif de Clermont-Ferrand : « Il faut penser à tous ceux qui ne sont pas dans les collectifs locaux mais qui nous suivent de plus près que nous ne le pensons et attendent de savoir si on se comporte de manière différente des «habituels politiques». Ne les décevons pas et, sûr, ils seront présents pour aller voter ».
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