2007, REDISTRIBUTION DES CARTES A GAUCHE

Point de vue

Avec cette élection, le paysage politique subit un effet de «plaques tectoniques». Quelques scénarios de recomposition à gauche.

La présidentielle 2007 déconcerte et bouge les lignes. La droite flirte avec l’extrême droite, le centre crée la surprise avec des accents de gauche pour masquer son ancrage à droite, le PS lorgne au centre et cherche sa boussole, la gauche alternative frise l’extinction de voix avec ses divisions. Le déficit de dynamique à la gauche du PS n’y est pas pour rien dans ce mouvement de balancier vers la droite… La dynamique est ailleurs, autour de François Bayrou – et donc à droite. Si l’élan de la campagne contre le traité libéral européen s’était transformé en candidature unitaire de la gauche de transformation sociale, l’ensemble de l’échiquier politique en aurait été bouleversé. L’éclatement empêche aujourd’hui la gauche antilibérale de cristalliser la contestation de l’ordre établi, d’être audible et crédible. Au lendemain de cette élection, quel que soit le résultat, une question sera à l’ordre du jour : que reste-t-il de la gauche ?

Si Ségolène Royal est élue présidente de la République, la question de sa majorité sera rapidement posée. Cette victoire permettrait de resouder les rangs au PS (les hypothèses de départ ou de contestation forte sont en effet faibles en cas de réussite électorale). Mais la politique d’un gouvernement dominé par le social-libéralisme conduirait une fois de plus la gauche dans l’impasse. Car, que resterait-il de la gauche si, au pouvoir, elle échoue à nouveau, faute de transformer significativement les conditions d’existence du plus grand nombre en s’affrontant aux logiques libérales ? Les forces qui, à gauche, ne prendraient pas part à ce gouvernement, auraient la responsabilité de construire une alternative. Le rassemblement des sensibilités antilibérales – dont l’éparpillement à la présidentielle ne peut laisser présager aucune grande surprise… – sonnerait à nouveau comme une impérieuse nécessité. En cas de victoire de Ségolène Royal, ne sous-estimons pas un scénario : un rapport de force très serré avec le candidat Bayrou. Le PS envisagerait-il une alliance avec l’UDF ? Cette hypothèse signerait la dérive ultime d’un PS en profonde mutation. Une scission du Parti socialiste pourrait être à l’ordre du jour et venir secouer le reste de la gauche. L’ordre du jour serait, tout simplement, la refondation d’une gauche dans ce pays.

Si la candidate socialiste échoue, le PS sera confronté à une crise majeure. En débat : l’incapacité du Parti socialiste à mobiliser les classes populaires, à offrir une perspective neuve, à porter un projet de transformation clairement identifié face à une droite raide dans ses bottes. L’heure des choix aurait vraiment sonné : le PS doit-il poursuivre sur la pente du social-libéralisme et se préparer à d’éventuelles alliances avec les centristes ? Ou faut-il réinventer le PS, en renouant avec les fondamentaux de la gauche ? Le débat opposerait alors sans doute les partisans de Dominique Strauss-Kahn à ceux de Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon. En cas de défaite, et tout particulièrement si leur candidate ne franchissait pas la barre du premier tour (ce qui n’est pas le plus probable mais une hypothèse crédible tout de même…), tous les scénarios sont possibles, jusqu’à l’explosion du PS. Certains imaginent la constitution d’une nouvelle force politique rassemblant des socialistes, des écolos et des communistes, à côté d’un parti de centre-gauche regroupant sociaux-démocrates du PS et proches de Bayrou. L’onde de choc d’un échec de la gauche atteindrait toutes ses composantes, contraintes à une profonde remise en cause. L’éparpillement des candidatures, les tensions très fortes chez les Verts, au PCF et à la LCR, l’émergence de la candidature de José Bové sont en creux le signe d’un besoin de recomposition qui n’a pas abouti.

Redéfinition d’un projet

En situation de victoire comme de défaite de la gauche, les lignes de clivage à gauche ont toutes les chances de se restructurer. La poursuite du travail de redéfinition du projet d’une gauche de transformation sociale, en termes de contenu et de stratégie, est indispensable. Gageons que le rapport au libéralisme économique sera un élément déterminant de cette refondation. Espérons que ce parti pris saura s’articuler aux exigences écolos, féministes, démocratiques. Et que nous arriverons à inventer une nouvelle équation entre réforme et révolution, pour sortir du balancier stérile entre une radicalité du verbe et de la marge d’un côté et une adaptation au système débouchant sur le renoncement et l’échec de l’autre. A partir d’une critique renouvelée du rapport au pouvoir – pris dans toutes ses dimensions, et pas seulement sous son rapport institutionnel et pensé dans le contexte mondialisé qui est le nôtre -, nous pourrons peut-être ouvrir une voie réellement et radicalement transformatrice. Dans tous les domaines, les ruptures nécessaires sont à repenser. Nous avons besoin d’alternatives neuves, tracées en positif, pour définir la société en mouvement que nous voulons – et pas seulement ce que nous voulons conserver.

Audience du politique

En attendant, si l’on devait retenir un point positif de l’élection présidentielle cru 2007, ce serait probablement l’engouement pour le débat politique. Partout, les meetings sont pleins, les émissions politiques battent des records historiques d’audience (plus de

8,2 millions de téléspectateurs ont regardé « J’ai une question à vous poser » sur TF1 avec Nicolas Sarkozy et 8,9 millions pour Ségolène Royal, pour ne prendre qu’un exemple), la politique est le premier sujet de conversation des Français. Du coup, il y a comme un hiatus entre l’appétit des Français pour la construction d’autres possibles et l’ambiance un poil « Star’Ac » de cette campagne (pour « Ségo », taper 1 ; pour « Sarko », taper 2 ; pour Bayrou… l’appel est gratuit ?). Le concours des personnalités aurait-il pris le pas sur le choix entre différentes grandes orientations pour l’avenir commun ? Alors même que le présidentialisme et la Ve République n’ont jamais été aussi contestés, tout fonctionne comme si les performances individuelles des candidats et leur profil primaient sur les valeurs et les propositions. Mais le spectacle politique ne peut masquer durablement la fébrilité des orientations en présence. Semons quelques grains pour que la gauche retrouve un chemin…

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