En 2005, lors de la campagne référendaire sur le projet de Constitution européenne, la « gauche de gauche » avait damé le pion à la direction socialiste regroupée autour du « oui ». Un an plus tard, elle cherche à reproduire l’alchimie de ce 29 mai si proche et déjà si lointain. Pas si facile ! Sans doute verra-
t-on dans ces difficultés les effets des concurrences d’organisations, les jeux des appareils. Sans doute. Mais ce n’est pas suffisant. Chacun, en fait, sent bien que la politique française tout entière se trouve à un prévisible tournant. Mais comment le négocier ? Face à ces enjeux, les unités d’hier se fissurent.
L’extrême gauche hésite entre deux tentations. Elle peut poursuivre dans la ligne de regroupement des radicalités qu’elle avait esquissée autour de 1995, ce qui la pousse à relativiser la conception quelque peu « bolchevique » du rôle de l’organisation proprement politique. Mais elle peut aussi considérer qu’il y a, dans cette convergence avec des forces de cultures et de pratiques différentes, des risques de dilution. Dans la seconde moitié des années 1990, la LCR et LO avaient ainsi profité de ce que la stratégie politique des communistes leur laissait largement le monopole de la radicalité contestataire. Vouloir maintenir, de façon autonome, le petit matelas présidentiel des 10 % est ainsi une tentation forte. Une extrême gauche dans ces eaux électorales ne marquerait-elle pas le petit paysage de la gauche de gauche dans une période possible de bouleversements et de reclassements ? Mais ce paysage ne risque-t-il pas de rétrécir comme une peau de chagrin, à l’anglo-saxonne, le bipartisme aidant ?
Le PCF, lui, est tiraillé entre au moins trois tentations. Celle qui consiste à affirmer, traditionnellement, la supériorité de la radicalité communiste sur toute autre radicalité : et à quoi bon, alors, s’empêtrer dans des coalitions ? Celle qui consiste à combiner l’affirmation communiste identitaire et la négociation de positions partielles de pouvoir avec le parti dominant à gauche : mais ne vaut-il pas mieux alors, éviter le tête-à-tête avec une extrême gauche qui continue, culturellement, de rejeter l’exercice d’un pouvoir jugé intrinsèquement corrupteur ? Enfin celle qui consiste à penser que la tradition communiste ne peut trouver un nouveau souffle que dans son métissage avec d’autres cultures alternatives : mais comment concilier cette volonté avec la vieille culture de la supériorité intrinsèque de l’organisation partisane sur toute autre forme d’organisation politique ?
Les hésitations entre ces possibilités : et il n’en manque pas d’autres, du côté de l’écologie ou du militantisme associatif : sont en un sens compréhensibles et respectables. Encore faut-il prendre la mesure de leur relativité. Si la convergence alternative ne parvient pas à briser le cycle de la bipolarisation, tous les subtils calculs stratégiques se réduiront à une seule question : qui sera le premier des groupuscules ? Ce serait bien dommage.
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