Caravanières

Allez Yallah !, documentaire de Jean-Pierre Thorn, suit des militantes qui promènent la Caravane des droits des femmes entre les douars du Maroc et la région lyonnaise. Rencontres et témoignages allument le débat.

Filles et garçons sont à pied d’œuvre. Fiers de partager leur effort. « Nous sommes égaux », lancent-ils à la caméra tout en érigeant une tente berbère. Un village du Maroc : une voix féminine, en off, invite les habitants à rejoindre la caravane. Au programme, droits des femmes ; citoyenneté, égalité, santé. Elle s’est emparée du micro de la mosquée, s’improvisant muezzin pour passer son annonce. « N’essaie pas de monter les femmes contre nous », lui aurait dit l’imam… Un bandana rouge lui tient les cheveux. Ainsi débute Allez Yallah !, film de Jean-Pierre Thorn produit par Jean-Jacques Beineix et sélectionné dans le cadre de la programmation ACID lors du dernier festival de Cannes. Féminisme et islam y sont au rendez-vous. Né en 1947, Jean-Pierre Thorn a abandonné le cinéma en 1969 pour travailler comme ouvrier à l’usine métallurgique Alsthom de Saint-Ouen. De cette expérience, il a tiré la matière de son second long-métrage, Le Dos au mur (1980). Ces dernières années, il a réalisé trois films sur la culture hip-hop, Génération hip-hop, Faire kifer les anges et On n’est pas des marques de vélo.

Pour son nouveau documentaire, Jean-Pierre Thorn a suivi entre les douars du Maroc et les cités de la région lyonnaise, plusieurs femmes de terrain, les « caravanières », musulmanes ou non, en lutte contre la domination masculine et l’intégrisme religieux. La Caravane des Droits des femmes a été conçue par la Ligue démocratique des droits des femmes (LDDF/Maroc) et Femmes contre les intégrismes (FCI/Rhône-Alpes). Yallah ! On y va ! Solidaires, joyeuses, festives, ces militantes n’ont qu’un but : discuter avec leurs congénères, les informer de leurs droits, les aider à se défendre, à refuser le joug de la soumission. Le Coran n’a jamais prôné la polygamie, explique l’une d’elles. Les intégristes interprètent le texte à leur façon et l’instrumentalisent à des fins politiques, affirme une autre.

De débat en débat, les femmes (juristes, assistantes sociales, etc.) échangent leur témoignage et discutent du Code de la famille, de certificats de virginité, de la tutelle matrimoniale, de la généalogie comme seule définition de soi : « Je n’existe que parce que je suis la fille de ou la femme de ou la mère de. T’es jamais toi. » Aux abords de la caravane, devant les barres des cités, les passantes défilent : une mère dont l’enfant a été mordu par un rat, une femme mariée de force à l’âge de treize ans, une femme qui se voile mais se dévoile au bureau sans vraiment savoir pourquoi. Quand Hajda, vieille aïeule née à Annaba en Algérie, rétive aux discours de ces modernes caravanières (« Mon époque et la tienne, c’est pas pareil »), se bouche avec désinvolture les oreilles dissimulées sous son foulard, le spectateur sourit. Quand une jeune musulmane d’aujourd’hui, casquette rose sur la tête, jean moulant (mais visage flouté), explique croire, contre l’avis de ses parents, que la femme est faite pour rester à la maison et que la lapidation est légitime en cas d’adultère, il ne pourra que frémir.

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