Une quarantaine de « galériens du logement » attirent l’attention des pouvoirs publics sur le prix des loyers et les exigences croissantes des bailleurs lors d’actions spectaculaires et médiatiques. Ils s’appellent les Jeudi-Noir.
Coquet studio à louer, métro Rambuteau, 660 euros. Visite sur place, samedi, 15h. » Des centaines d’annonces comme celle-ci paraissent chaque jeudi dans la presse spécialisée, comme autant de promesses d’humiliation collective. Au programme, faire la queue dans l’escalier, avec en poche la précieuse lettre du tonton qui a bien voulu se porter garant, des fiches de paie toujours trop maigres et un gros chèque de caution qu’on ne reverra peut-être pas à la fin du bail. Tout le monde connaît. Ce samedi, une poignée d’à peine trentenaires a décidé de renverser un peu les rôles. Dans quelques minutes, ils pénétreront dans le « coquet studio », armés de cotillons, bouteilles de mousseux (le champagne est bien trop cher), ballons de baudruche et musiques. Ce sera la deuxième action du genre après une intrusion festive quelques jours plus tôt dans un quinze-mètres carrés proposé à 850 euros par mois. L’objectif de ces « galériens du logement » : dénoncer la folie du marché immobilier lors d’actions spectaculaires et médiatiques. Au rendez-vous, plus de journalistes que de militants. Julien, Leïla et Lionel, les fondateurs de cette initiative appelée Jeudi-Noir, en référence au krach boursier de 1929 et au jour de sortie du journal De particulier à particulier, s’étaient investis dans Génération précaire. Le cousinage est évident, notamment dans l’utilisation intensive et efficace des médias. Autre trait commun, la fête et la dérision qui sont au centre de l’action de ces jeunes militants, boostés par la précarité généralisée. « On tente de dédramatiser un moment très angoissant de la vie, précise Julien. Sur le fond, nous dénonçons une véritable fracture générationnelle sur le logement. Que ce soit avec un endettement sur trente-cinq ans à l’âge de 30 ans, en surpayant leurs loyers (le montant annuel du loyer est quatre fois plus cher à 25 ans qu’à 65 !) ou en jonglant entre les situations précaires, ce sont les jeunes qui paient la facture de la non-régulation. »
Studio coquet
C’est l’heure. La petite troupe se met en route. Rue du Temple, nous sommes à quelques minutes du centre Georges-Pompidou, un quartier qui dans une autre vie fut populaire. La quarantaine de militants s’arrêtent devant un immeuble. La technique semble déjà bien rodée. Deux ou trois s’avancent en éclaireurs et rejoignent les véritables postulants qui poireautent dans l’escalier, attendant leur tour de visite. Soudain, le signal est donné. C’est la ruée dans l’escalier et cinq étages plus tard, une explosion de cotillons et ballons sous le regard médusé des propriétaires qui n’attendaient pas tant de la visite de ce « coquet studio ». Coquet ? 17 m2 selon les hôtes, plutôt 15 m2 à vue de nez. L’heureux locataire devra se contenter d’un étroit petit lit, la vie amoureuse n’est finalement pas vitale, d’une tablette, on a fait beaucoup de progrès dans la miniaturisation des ordinateurs, et de toilettes qui permettront d’être confortablement installé, la « cuisine américaine » sur les genoux. Les coupes en plastique se remplissent et on trinque, à la santé de la flambée de l’immobilier et des bailleurs toujours plus exigeants. Ces derniers demandent, pour un logement à Paris, des revenus équivalant à trois à quatre fois le montant du loyer et deux garants. Les vannes fusent, pas vraiment à l’adresse du couple de proprios, mais plutôt d’un système qui part « en sucette », qui exclut de fait les smicards des centres-villes. Leïla, qui s’était fait passer pour Pauline pour décrocher la visite, ça sonne mieux, s’écrie : « Qui a le bilan psy de sa grand-mère ? » Un autre renchérit : « Qui a ses analyses d’urine ? » Puis on se tourne vers la propriétaire qui se frotte encore les yeux : « Alors, combien faut-il gagner pour obtenir ce magnifique appartement ? » Les médias sont là, difficile de se dérober : « trois fois le montant du loyer, c’est l’usage. » « Et quels sont les critères ? » « C’est au feeling », élude-t-elle. Le couple, tous deux jeunes médecins, commencent à trouver le temps long. Les médias sont rassasiés et une deuxième action se prépare dans la foulée, un beau studio de 10 m2 pour 520 euros. Les Jeudi-Noir n’ont de toute façon pas l’intention de les ennuyer plus longtemps, ils ne sont pas leur vraie cible. « Les politiques du logement peuvent jouer un rôle stabilisateur, écrivent-ils sur leur site (1). Elles doivent aider prioritairement les personnes qui ont besoin de se loger. A nous de leur rappeler. »
La dernière action des Jeudi-Noir en vidéo. Spectaculaire !
http://www.dailymotion.com/video/xs67r_discokingchercheencore
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