Gauche antilibérale. 2007, concrétiser l’espoir

Forte des différentes sensibilités et cultures politiques qui la composent, la gauche antilibérale rassemblée pourrait renverser les rapports de force actuels au sein de la gauche. Mais va-t-elle se mobiliser autour de candidatures unitaires ?

Echéances électorales de 2007, An-1. Chaque camp : avec toutes ses divisions : est dans les starting-blocks. Remue-méninges de fond, débats stratégiques, discussions de couloirs… militants et responsables politiques sont en ébullition ! La gauche commence vraiment à y croire : d’ici un an, cette droite pourrait bien être hors d’état de nuire. La victoire des mobilisations contre le CPE a mis du baume au cœur… et aux sondages. Mais quelle gauche peut l’emporter dans les urnes en 2007 ? Le résultat du référendum du 29 mai dernier a montré que la ligne antilibérale était potentiellement source de majorité à gauche. Or, c’est un PS social-libéral qui arrive aujourd’hui en tête, avec une éventuelle candidate, Ségolène Royal, qui s’est récemment distinguée aussi bien par ses odes au blairisme que par ses refrains traditionalistes : elle ne manque, par exemple, aucune occasion de rappeler qu « une famille, c’est un père et une mère » . S’il convient de rester prudent à plus d’un an de l’échéance (à ce compte-là, Edouard Balladur ou Lionel Jospin auraient été présidents de la République !), les chiffres révèlent qu’il s’avère difficile aux différentes candidatures à la gauche du PS de prétendre à plus de 5 %. Les Verts, qui se voulaient il y a peu les principaux interlocuteurs des socialistes, oscillent pour l’heure entre 1 et 2 %… Les sondages rangent également les candidatures de Marie-George Buffet du PCF et d’Olivier Besancenot pour la LCR au rang de témoignages : grosso modo entre 3 et 6 %.

PROLONGEMENT CREDIBLE

Les instituts testent là une configuration particulièrement défavorable à la gauche d’alternative… Or, comment une si calamiteuse hypothèse pourrait-elle advenir ? La gauche radicale oserait-elle sombrer à ce point dans l’irresponsabilité en jouant la carte perdante de l’éparpillement ? L’élan formidable de la campagne unitaire qui a conduit à la victoire du 29 mai pourrait-il retomber, tel un soufflé, au moment même où il s’agit d’offrir une perspective politique ? Les capacités de résistance à l’œuvre dans notre société, exprimées lors des révoltes en banlieues ou à travers les mobilisations communes aux mouvements de jeunesse et aux syndicats, n’auraient-elles pas de prolongement crédible lors d’échéances électorales aussi importantes que celles de 2007 ? Disons-le clairement : le scénario d’une gauche antilibérale divisée serait aussi incompréhensible que dramatique. Incompréhensible parce que nous avons de sérieuses bases pour faire cause commune en 2007. L’expérience prolongée des Collectifs du 29 mai ou le travail de fond mené au sein de la Fondation Copernic montrent qu’un espace politique cohérent existe et se construit progressivement, fort des différentes sensibilités et cultures politiques qui le composent. Rassemblée, cette force politique est capable de peser dans le pays et de renverser les rapports de force actuels au sein de la gauche. Le scénario de la division est également dramatique, parce que seule une gauche de rupture peut durablement porter la gauche au pouvoir et donc permettre une réelle transformation sociale. A plusieurs reprises, des années Mitterrand au gouvernement Jospin, la gauche au pouvoir a déçu : la vie n’a pas vraiment changé, les classes populaires se sont détournées d’elle. Si en revenant aux responsabilités, la gauche échouait à nouveau parce qu’elle ne se serait pas attaquée à la logique libérale et capitaliste, parce que son ambition se serait réduite comme peau de chagrin, parce que les marges de manœuvre : notamment européennes : n’auraient pas été dégagées, parce que la politique n’aurait pas retrouvé ses droits sur l’économie, parce que la volonté de partager les richesses et les pouvoirs se serait évanouie dans le confort des ors de la République… alors les électeurs la remercieraient à nouveau et la France retomberait dans le triste cycle de l’alternance. Pour gagner durablement, la gauche doit être porteuse d’une rupture avec l’ordre existant. Car Nicolas Sarkozy n’a pas le monopole de la rupture, lui qui cultive une posture d’opposition alors qu’il appartient au gouvernement en place ! Au modèle qu’il propose au nom de l’UMP : la jungle libérale, le recul des protections et des libertés publiques, la logique sécuritaire :, c’est une visée totalement inverse qu’il faut opposer et promouvoir : une société solidaire, démocratique, féministe, préoccupée de son environnement (pour elle et les générations à venir), bâtisseuse d’un modèle de développement humain. Pour construire un rassemblement populaire, l’heure n’est pas aux corrections à la marge et aux replis frileux (sous le parapluie européen, par exemple…) car la gauche ne gagnera dans la durée qu’à condition de changer vraiment la vie.

PEUR D’UNE VICTOIRE ?

Pour cela, il va bien falloir que la gauche d’alternative se mette en situation de susciter la dynamique nécessaire. Même si on peut se demander comment il est possible qu’elle ne soit pas déjà en ordre de marche, notons que rien n’est encore fermé. Les deux plus grandes organisations politiques de l’espace antilibéral ont récemment tenu leur congrès. Fait majeur, aucune n’a pris la décision d’une candidature maison. Malheur à celui qui brisera l’unité ? Toujours est-il que la LCR ne prendra la décision de présenter ou non son propre candidat qu’en juin et que le PCF a également reporté son choix à l’automne. En attendant, le mouvement pour des candidatures unitaires en 2007, qui a rassemblé plus de 5 000 signatures, s’amplifie et continue de peser. Si les Verts ont choisi de présenter leur propre candidat, celles et ceux qui au sein de ce parti ont porté la candidature de José Bové suivent avec attention l’éventualité d’un rassemblement antilibéral à la gauche du PS. Les membres de PRS (Pour une République sociale), proches de Jean-Luc Mélenchon, semblent également attentifs à ce qui pourrait émerger de notre côté. Surtout, de nombreux militants associatifs et syndicaux ainsi que des citoyens engagés, notamment lors de la campagne du référendum européen, sont aujourd’hui dans l’attente. Une dynamique potentielle sommeille. Si un signe était donné pour une campagne commune en 2007, nul doute que ces forces se remettraient en mouvement. En revanche, si la routine prenait le dessus et que les candidatures anti-libérales se multipliaient, les désillusions seraient extrêmement fortes et la démobilisation au rendez-vous. Alors qu’ensemble nous avons réussi à donner envie, aux classes populaires notamment, de reprendre le chemin des urnes, notre incapacité à nous rassembler pour les prochaines échéances électorales générerait de la désespérance sociale, de l’abstention, un repli vers un vote à l’extrême droite.

A observer ici ou là quelques réflexes boutiquiers ou autres tentations de repli, on se demande parfois non pas si la gauche radicale peut gagner : ou tout au moins peser réellement : mais si elle le veut… On peut aisément comprendre qu’une victoire : ou même un début de victoire : puisse faire peur car cela ouvre de nouvelles responsabilités. Mais pouvons-nous hypothéquer les chances d’une alternative à gauche ? Non. Sommes-nous voués aux seconds rôles ? Certainement pas. Alors, mettons-nous plus sérieusement encore au travail sur le contenu et affrontons sans détour les débats stratégiques qui nous divisent encore (ou ne sont parfois que prétexte à nous diviser…). La mise en place d’un cadre rassemblant toutes les sensibilités de la gauche antilibérale pour discuter d’un contenu, d’une démarche et des profils de candidatures en vue des élections de 2007 est plus que jamais nécessaire. L’occasion d’une date anniversaire telle que le 29 mai n’est-elle pas opportune pour entamer cette démarche originale ? C’est ensemble que nous avons gagné. Séparés, que pourrions-nous gagner en 2007 ?

C.A.

Le week-end du 13 mai, rencontre nationale des Collectifs du 29 mai, à Paris. A l’ordre du jour, l’adoption de la Charte anti-libérale.

Pour signer la pétition en faveur de candidatures unitaires : http://www.alternative2007.org

Paru dans Regards n°29 mai 2006

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