Marie Cipriani-Crauste « Une France multiculturelle »

Spécialiste des loisirs des adolescents, Marie Cipriani-Crauste (1) revient sur trois films dits de banlieue : La Haine, Yamakasi et L’Esquive. De la légitime défense à la beauté du geste, l’univers de la cité y est valorisé.

« La Haine, Yamakasi et L’Esquive sont des films à message. Ils montrent une France multiculturelle et donnent à voir une image positive de la banlieue qui a longtemps été stigmatisée. Des rappeurs comme Diams disent aujourd’hui qu’ils l’aiment, cette banlieue, et qu’ils y sont heureux. Dans L’Esquive, d’Abdellatif Kechiche, sorti en 2002, le décor est propre, les halls d’immeuble ne sont pas dégradés, les murs ne comportent pas de tags. Les jeunes ont entre eux un langage qui leur est propre mais ils sont polis quand ils s’adressent aux adultes. L’école est valorisée. Alors qu’ils parlent en verlan et utilisent souvent des expressions crues, brutales, ils se retrouvent à manier la langue de Marivaux avec leur professeur. Ils font valoir, avec leurs moyens d’expression, des valeurs très classiques d’humanité et de respect. En 1995, La Haine de Mathieu Kassovitz montrait une révolte légitime. D’un côté, une brutalité verbale, une violence à fleur de peau, des écorchés vifs, à cran, excitables. De l’autre, une société d’abondance où la solidarité a disparu, où le bien-être est devenu la préoccupation principale. Les jeunes sont poussés à bout par des policiers redoutables qui passent leur temps à les humilier, mais ils n’atteignent jamais le point de non-retour. Ils ne tuent pas. Le pire arrive mais pas sous la forme attendue. La bavure vient des forces publiques. Dans Yamakasi, réalisé en 2001, Ariel Zeitoun met en scène des samouraïs des temps modernes, sept amis de la banlieue parisienne très adroits de leur corps. Leurs exploits peuvent être rapprochés des sports de rue comme le skate et le roller qui permettent de réaliser des figures extraordinaires. Ces jeunes très entraînés exécutent des performances folles : ils sautent d’un immeuble à un autre, glissent le long des parois, escaladent à mains nues des façades. Une fois sur la terrasse, ils contemplent le lever du soleil. Ils ont à leurs pieds un paysage urbain fantastique. Ce film est plein de sensibilité et de poésie. Les cascadeurs acrobates sont beaux, ils sont souples, ils forcent l’admiration. La violence n’est commise que parce que la société y oblige. Même le vol est présenté comme un acte légitime. Pour sauver un de leurs camarades, les samouraïs de Yamakasi vont se mettre à voler des chirurgiens très riches. Comme Robin des Bois, ils prendront l’argent là où il est sans se soucier du profit. »

1. Marie Cipriani-Crauste est psychosociologue au laboratoire de psychologie environnementale de l’université René-Descartes.

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