Entreprise-théâtre : aux sources d’une nouvelle communication interne pour optimiser la « ressource humaine » BNP-Paribas, Bouygues, Sanofi-Synthélabo, Carrefour, Accor, EDF, Total-Fina-Elf, Canal +…, il n’est quasiment plus d’entreprises de poids, dans tous les secteurs d’activités, qui n’aient un jour fait appel à des professionnels du théâtre.
Philanthropie ? Si, à la demande des directions d’entreprises, on monte sur les planches, c’est pour satisfaire des intérêts biens compris : communication interne, formation, optimisation de la ressource humaine.
La direction du Crédit agricole Vendée Atlantique organisait dernièrement un séminaire à l’adresse de ses cadres. Au programme : la nouvelle stratégie du groupe et le rôle de ses managers dans ce nouveau contexte. Pour faire passer plus sûrement la pilule, trois « représentations interactives » commandées au Théâtre à la Carte. Ses comédiens illustrent les attentes des clients de la banque, celles des salariés, le ressenti des managers. Si la pièce ne fera probablement pas la cour d’Honneur à Avignon, l’accent est directement mis sur les dysfonctionnements rencontrés dans l’entreprise. Le public de cadres du groupe est appelé à trouver des solutions.
De telles demandes constituent un marché en forte croissance, que se partagent principalement deux prestataires. Avec un chiffre d’affaires de près de trois millions d’euros, Théâtre à la Carte en est l’incontestable leader. Implantée en France depuis plus de quinze ans, cette entreprise de douze salariés s’attache occasionnellement les services d’une soixantaine d’artistes intermittents du spectacle, scénaristes, comédiens, musiciens. Dans ses bagages, des spectacles « prêts à jouer » sur des thèmes génériques : « le bonheur au travail », « la gestion du temps et des priorités ». Ou du « sur-mesure ». Dans les deux cas, explique Christian Poissonneau, directeur de Théâtre à la Carte, « il s’agit de permettre à un auditoire de partager une préoccupation commune, de sensibiliser un groupe à une réalité, un problème ou une thématique ». Par exemple, l’intégration de salariés handicapés, les discriminations ou le harcèlement au travail, le respect des normes de sécurité. Quant au procédé, « nous apportons un miroir et une loupe, légèrement grossissante », rajoute le directeur. Théâtre à la Carte se garde de faire du consulting. « Nous interpellons le public sur des comportements, et laissons à chacun la possibilité d’agir dessus. » les mots de l’entreprise
« Nos managers ont trouvé le ton extrêmement juste, et très drôle. Le rire peut faire passer des messages à tout le monde, de la direction générale aux responsables de services. Il permet une prise de conscience de ce qui se passe dans l’entreprise, et des erreurs que l’on peut faire », atteste Anne Allaire, secrétaire générale du Crédit agricole Vendée-Atlantique. Les représentations de Théâtre à la Carte avaient, selon elle, « les mots de l’entreprise, son vécu, sa chair ». Qui plus est, « la force du théâtre, observe-t-elle, est sa nuance. Personne ne se retrouve intégralement dans le jeu des comédiens, mais tout le monde se retrouve à un moment où à un autre. C’est intéressant en ce qui nous concerne parce que les managers ne peuvent pas être mis dans des dispositifs uniques de formation. » La ligue d’improvisation (LIFI) a rapidement emboîté le pas de Théâtre à la Carte. La LIFI est surtout connue pour ses matchs d’improvisation entre comédiens. Sport national en Belgique ou au Québec, les spectacles d’improvisation rencontrent moins de succès en France. A l’initiative d’une des comédiennes professionnelles de la ligue, Nadine Rubeus, est fondé en 1995 un département « événementiel ». Avec pour mission de capitaliser dans le monde du travail sur les vertus de l’improvisation. « Un challenge très proche des valeurs de l’entreprise, estime Nadine Rubeus. Quand on intervient sur scène, on se met en danger, tout comme les salariés qui doivent improviser au quotidien. L’improvisation implique automatiquement d’être à l’écoute et respectueux de l’autre, d’être créatif. » le « team building »
Restitutions de débats, « sketchs interactifs », dans lesquels les comédiens donnent la réplique aux salariés qui jouent leurs propres rôles, canulars, l’éventail de ses prestations est large. Objectifs : valider auprès des salariés les acquis ou les informations fournis par l’entreprise, les aider à renforcer leur capacité d’écoute et leur sens de la répartie, contribuer au « team-building », « en créant des clins d’œil et des références communes au groupe » et renforcer sa cohésion, dédramatiser les situations. Car certaines interventions peuvent faire suite à une restructuration. Dernièrement, après la fusion de deux antennes Assedic.
En plus des spectacles, la LIFI propose des séances de formation aux techniques d’improvisation. Si les salariés y jouent les apprentis comédiens, c’est afin de « démultiplier le potentiel de chacun, pour le plus grand bien des entreprises ».
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