Une contestation de l’hégémonie occidentale** **au sein de l’ONU se dessine. Des propositions alternatives** **existent. Le point avec Gustave Massiah*.
Est-il possible de renouveler l’ONU dans l’environnement international actuel marqué par l’unilatéralisme notamment américain ? Gustave Massiah. A court terme, c’est peu probable.Mais on peut faire progresser des idées qui, dans un autre contexte, pourront s’imposer. Car, déjà, existe un mouvement qui conteste l’hégémonie américaine. Ainsi, au sein de l’OMC, on voit qu’il est très difficile d’imposer une ligne unilatéralement avantageuse à la triade Etats-Unis-Europe-Japon. N’a-t-on pas vu l’an passé « le groupe des vingt » (notamment l’Afrique du Sud, la Chine, le Brésil) bloquer la conférence mondiale à Cancun ? Ça ne constitue pas encore une ligne alternative antilibérale, mais c’est déjà une contestation de l’hégémonie occidentale. Après les « non » au projet constitutionnel en France et aux Pays-Bas qui ont dénoncé l’orientation de l’Europe (néolibéralisme et alignement sur Washington), il n’est pas exclu que l’alliance entre l’Europe et les Etats-Unis soit fragilisée. Ces exemples montrent la limite du pouvoir de ceux qui dominent… L’influence du mouvement altermondialiste et des opinions publiques ne peut déjà plus être ignorée au sein de l’OMC, du FMI, ni dans l’élaboration d’une constitution pour l’Europe.
Kofi Annan propose d’augmenter le nombre de membres permanents du Conseil de sécurité. N’est-ce pas une manière de contrebalancer la puissance des Etats-Unis ? Gustave Massiah. Il n’est pas du tout sûr que cette proposition passe. Le problème pour les altermondialistes n’est pas l’élargissement du Conseil, mais le rôle du Conseil par rapport à l’Assemblée générale où chaque pays dispose d’une voix. Bien sûr, il faut un exécutif pour prendre des décisions et agir. Mais le Conseil de sécurité avec le droit de veto est, tel qu’il fonctionne, un frein à la démocratisation de l’ONU. C’est l’Assemblée qui a la légitimité des Nations unies. Il faut augmenter ses prérogatives et ses moyens de contrôle. Il faut un Conseil de sécurité plus représentatif et ce n’est pas possible qu’il soit le seul, notamment à travers le droit de veto, à pouvoir décider. Le Conseil doit être contrôlé par l’Assemblée générale, et être responsable devant lui.
Kofi Annan insiste sur la nécessaire collaboration avec la société civile. La réforme encourage-t-elle les institutions multilatérales à cette ouverture ? Gustave Massiah. Cette réforme parle beaucoup de la société civile mais ne lui donne pas grande place. Le problème, ce n’est pas le manque de dialogue entre les institutions multilatérales et les sociétés civiles mondiales, mais l’équilibre des pouvoirs. Il faut des formes de contrôle citoyen à tous les niveaux, donc aux Nations unies aussi: contrôle démocratique, transparence sur les décisions, débat politique contradictoire et public.
/* Gustave Massiah est président du CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement)/
/et vice-président d’Attac. /
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