Excellente nouvelle ! Lorsque vous lirez ces lignes, le gouvernement bonapartiste de Villepin n’existera plus, en tout cas pas a priori. Qu’on y songe : les Cent jours sont en effet terminés, ouf. Bilan des courses : en cent jours, ce gouvernement a institutionnalisé la précarité à la hussarde avec le contrat nouvelles embauches, ce que même un noniste de la vingt-cinquième heure comme Montebourg reconnaît ; il a vendu nos autoroutes, bâties avec nos sous, et supprimé au passage quelques trains Corail en pleine crise pétrolière, c’est dire si c’est malin. Mais pour les sociétés d’autoroute passées au privé, en revanche, c’est tout bénéfice. Fort heureusement, et par chance, cela n’a aucune incidence sur le cours de la Bourse, encore moins depuis que l’hebdomadaire The Economist qui fait autorité, comme on le sait, a salué l’action du Premier ministre français, lequel est d’ailleurs remonté à ce moment-là dans les sondages, comme quoi tout se tient. Enfin, cent jours à ce régime-là : même si l’été, c’est vrai, on mange moins : c’est nettement suffisant. Au demeurant, on se demande quelle démocratie, même dans l’acception la plus libérale de ce terme émoussé, accepterait de se voir gouvernée par ordonnances plus longtemps que cent jours. Et comment, selon nos constitutionnalistes avisés, s’appellerait un tel régime… Problème : par quel gouvernement légitime remplacer ce gouvernement illégitime, sorti comme par magie des urnes par leur double fond médiatique ? Il est vrai que, durant l’été, l’air de rien, la doctrine de nos laborieux dirigeants, qui, cette fois, sont partis en vacances en laissant leurs numéros de portable aux médias, au cas où il se passerait quelque chose de grave, a encore changé. Lors de la fort mystérieuse affaire Danone, ce gouvernement qui nous appelait il y a peu à ratifier une Constitution européenne entièrement fondée sur « la concurrence libre et non faussée » : on n’est pas obligé de rire : et qui stigmatisait le vote « non » comme un vote nationaliste, a soudain mis en avant, par la voix de son Premier ministre, puis du chef de l’Etat, le concept de « patriotisme économique ». Alors ça, c’était vraiment la meilleure de l’été. Certes, les partisans d’une pure économie de marché se sont dédouanés en indiquant que, sous les affreux coups de boutoir de l’économie chinoise, les Etats-Unis en faisaient de même, mais tout de même, comme elle paraissait soudainement loin, la polémique sur le « plombier polonais »… Il faut croire que le « patriotisme économique » ne vaut que pour le yaourt, pas pour le plombier. Bref, le concept de « nation » (et par conséquence, celui d’Europe des nations) remonte en flèche. C’est ainsi que, grâce au tourisme low cost et à la concurrence libre et non faussée, les deuils nationaux se sont enchaînés ici et là, en Europe. L’Europe, elle, n’a rien dit. En revanche, depuis les attentats de Londres, perpétués par des autochtones, le concept de communautarisme, cher à Sarkozy, et plus largement le modèle qu’on nous vantait encore la veille, lorsque Paris échoua aux JO, a du plomb dans l’aile. Même aux yeux de ses fossoyeurs, la République a des charmes surannés qui enchantent encore.
Enfin, pour nous faire rire entre amis, il y a toujours les socialistes. Regardons-les se chamailler encore et encore, jusqu’au prochain congrès. C’est ainsi : dans les démocraties de moins en moins sociales, les sociaux-démocrates ont des rituels d’anthropophages. Dans le Nouvel Obs, c’est Michel Rocard qui joue les pompiers pyromanes en évoquant une possible scission du parti. Malgré le vent qui tourne dangereusement, les canadairs décollent de l’île de Ré ou de l’Ariège pour circonscrire au plus vite l’incendie dans les médias. Des jeunes comme Vincent Peillon se portent volontaires, ils n’ont pas froid aux yeux. Sinon, dans le même entretien, Rocard définit aussi Mélenchon comme « un intellectuel de la politique, presque un philosophe ». La République, en somme, de Platon à Mélenchon.
Arnaud Viviant est journaliste et romancier.
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