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Très, très festivals… C’est un petit paradis au bord d’un étang. Imaginez que le beau soleil du Midi éclaire une fin de journée paresseuse. Le port de pêche de Mèze regarde la ville de Sète. Il ne vous reste plus qu’à écouter le frémissement des drisses, le son des cigales ou des orchestres pour connaître la plénitude.
Le festival de Thau « à la sauce mézoise » est encore jeune : dixième édition cette année : et le fait sentir. Vous y arrivez à 20 heures avec l’espoir de festoyer et de danser jusqu’à trois heures du matin. On annonce des festivités partout, dans la ville, le port, sur l’eau. Deux scènes accueilleront pendant trois jours les princes de la Méditerranée et d’ailleurs. Nawfel, guitariste prodige de 15 ans d’origine tunisienne et gonflé aux hormones hendrixiennes en est l’invité du futur. S’il n’est pas encore parvenu à choisir son chemin personnel, il montre un aplomb confondant, capable de reprendre les classiques blues et de se lancer dans des funks endiablés. Encore à l’école (il ne joue d’ailleurs sur scène que les week-ends ou pendant les vacances), Nawfel rêve d’une carrière internationale, veillé par un père passionné et un producteur avisé. Un disque a échoué dans les bacs il y a quelques mois. Le petit, fort d’une belle culture musicale, y reprend Aretha Franklin, Stephen Stills et produit une sonorité déjà très grosse.
Du blues classique au funk endiablé en passant par l’afrobeat
On fera de la prospection pendant ces trois jours, du côté de Madagascar avec Senge (qui signifie fierté), issu d’une région souvent victime de la sécheresse. Ce trio masculin sait entremêler ses chants dans d’étranges polyphonies vocales où passent les récits légendaires. Un petit détour ensuite en Egypte, sur les traces de Ganoub (Sud en arabe) et de son joueur d’arghoui (clarinette double fait de roseau). Vous descendez ensuite au coeur de l’Afrique et tombez sur Femi Kuti. Ce nom ébranle encore la conscience panafricaine et démocratique. Personne n’a oublié le magnifique musicien Fela, créateur de l’afrobeat, ses quinze femmes, ses joints, son sens de la provocation qui le conduisit maintes fois derrière les barreaux. Il mourut le 2 août 1997. Le gouvernement nigérian, celui qui assassinait les écrivains et la population, pouvait respirer. Mais le fils Femi, né à Londres en 1962, a repris la route là où son père l’avait abandonné. Il perpétue un afrobeat qu’on croyait en déshérence. Sur scène, le divin saxophoniste s’entoure d’une quinzaine de musiciens, percussionnistes et joueurs de cuivres. Femi nourrit plein de projets fabuleux. Il compte bien colorer sa musique de touches orientales ou peut-être caraïbes comme la Jamaïque ou Cuba. Car les grands anciens de ces deux pays qui ont contribué à bâtir le mythe musical poseront aussi leur valise au bord de l’étang. Le Jamaïcain Toots And The Maytals est peut-être le plus vieux groupe de reggae en activité qu’éclipsa jadis Monseigneur Marley. Frederick Hibbert dit « Toots » a créé sa formation en 1962. A l’époque, on vénère le ska, cette syncope rapide qui enfantera le reggae. L’étoile des Maytals sera très haute pendant quelques années et la formation participera au film emblématique de la culture rasta au début des années 70 (« Tout tout de suite »). Toots traversa des moments difficiles mais ne cessera de revenir (en particulier avec un album 1988 de très bonne facture, Toots In Memphis).A côté de la Jamaïque, l’île crocodile, Cuba, fait toujours également bonne figure grâce à Eliades Ochoa, un musicien jeune pour une fois (52 ans contre les 92 de Compay Segundo). Il joue sur l’album de ce pur bluesman du Mississippi, Charlie Musselwhite (Continental Drifter), y reprend des classiques de Compay, mêlant sa sonorité des rues havanaises à celles rugueuses et claquantes de l’harmoniciste mississippien. Le public de Mèze y entendra son nouvel album Sublime Illusion. Et puisqu’on est dans les îles, voyageons dans l’océan indien jusqu’à La Réunion là où Danyel Waro crie son maloya, chant rituel des descendants d’esclaves dont on dit qu’il s’agit d’une forme de blues. Cet artiste conçoit de sa main les instruments improbables comme le kayann, fabriqué à partir de tiges de fleurs de cannes et rempli es de graines de safran sauvage.
Du reggae de Toots au maloya de Danyel Waro
Tout au long du quai rive droite, associations, organismes tournés vers le tiers monde et les échanges internationaux présenteront leurs bonnes oeuvres. Le public pourra visiter un espace sur l’Egypte animé par le groupe Ganoub et l’inévitable Cyber espace. Vous pourrez aussi peut-être emporter l’affiche du festival. Elle est l’oeuvre de Bruno Pidet, peintre, sculpteur sur bois, qui se définit comme « primitiviste » et adore l’art amérindien. Sur le Port de Méze, la lumière vous porte décidément ailleurs. Peut-être qu’on n’en revient pas. Mais ce danger-là est bien plaisant.
Dixième festival de Thau à la sauce mézoise .
Du 21 au 23 juillet.Bureau du festival, 9 rue A. Massaloup. 34140 Meze. Tél. et fax : 04.67.18.70.83.
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