Un parti communiste qui se veut « nouveau ». Une Ligue communiste qui ne sait plus à quelles alliances se vouer. Des mouvances communistes critiques qui cherchent à se structurer. L’espace du communisme français est en pleine effervescence. Tour d’horizon et premières analyses.
Il flotte comme un air de lassitude, un gros besoin de vacances au « local » de la Ligue communiste révolutionnaire. Ce samedi 24 juin, avant de boucler leurs valises, les récents élus du comité central confirmeront une fois encore que la Ligue est disponible pour un accord avec LO en vue des prochaines élections municipales. Mais plus personne ne doute que cette ultime main tendue sera rejetée…D’ici la rentrée, il faudra donc repenser l’espace politique de la Ligue. Comment retomber sur ses pattes alors qu’est rompue l’alliance sur laquelle ont été fondés tous les espoirs et pour laquelle tous les sacrifices ont été consentis ? C’est la première question qui figurera sur le cahier de vacances d’Alain Krivine et de ses amis.
La rupture avec la mouvance radicale moderne
Flash back : en 1990 la Ligue choisit de s’écarter du gauchisme, d’opter pour l’insertion dans l’espace politique et de parier sur le développement des mouvements sociaux. De fait, ses militants ont été très actifs en faveur du droit des femmes, dans les associations de chômeurs, dans le mouvement anti-fasciste… L’organisation d’Alain Krivine a, dans cette période, noué des rapports de confiance avec une mouvance radicale moderne. Les élections européennes de 1999 marquent une rupture.
Afin de conclure une alliance avec LO, la Ligue a accepté de gommer ces dix ans d’efforts. En effet, comme le reconnaissait François Duval (1), « l’alliance avec LO a créé des difficultés avec les animateurs du mouvement social ». Doux euphémisme ! La plupart des adhérents responsables dans le mouvement social s’affirment hostiles à la nouvelle ligne gauchiste et contre cette « alliance des révolutionnaires ». De même, le très populaire groupe Zebda faisait parvenir au Congrès de la Ligue un télégramme lui signifiant l’opposition radicale des troubadours toulousains à toute liste commune avec LO.
Le prix trop élevé d’une stratégie
Ce virage stratégique de 1999 trouve son explication dans le résultat des élections régionales de 1998. L’extrême gauche y réussit des percées, et LO confirme le résultat d’Arlette Laguiller aux présidentielles de 1995 (5,1 %). Comment faire pour que la LCR puisse prendre ce train en marche ? Pour Alain Krivine, François Sabado, Daniel Bensaïd, la réponse est d’ordre tactique : promouvoir un ticket Arlette-Alain aux élections européennes. Les dirigeants de la Ligue ont cru et voulu croire qu’il ne s’agissait que d’une ruse, d’une habileté pour installer l’organisation politique, la doter d’élus. Ce fut un corset : LO fait monter les enchères, exige un alignement total sur ses positions sectaires : pas de désistement au second tour, des listes à 100 % révolutionnaires.
Pour la Ligue, cela signifie renoncer à intégrer l’espace politique, et empêche les expérimentations politiques pour rassembler la radicalité contemporaine. Le prix se révèle très élevé, et finalement éminemment stratégique.
Une minorité de militants, emmenée par Christian Piquet, le rédacteur en chef de Rouge, conduit l’opposition au congrès de Saint-Denis, autour d’une motion qui se réfère à la ligne d’ouverture antérieure. De son côté, la direction tente d’imposer en force l’axe LCR-LO. Mais, sentant le risque de fracture, elle se résout in extremis à un compromis : l’alliance avec LO, toujours recherchée, n’apparaît plus centrale. Arlette Laguiller, qui a pu constater aux élections européennes que l’alliance ne lui apporte pas de voix supplémentaires, prend prétexte de cette situation pour provoquer la rupture : « Ceux qui ont gagné au congrès de la Ligue sont ceux qui sont les plus loin de nous. LO ira donc seule aux élections municipales » assure- t-elle aux visiteurs de sa fête (2).
« On n’a pas les alliés qu’on veut, on a ceux qu’on peut » argumentait à Saint Denis, en direction des sceptiques, l’influente Janette Habel. Mais le contre-pied est total : d’une part, la Ligue ne peut plus compter sur LO ; d’autre part le Congrès a rejeté la proposition des minoritaires d’une convergence anti-libérale, associant notamment les Verts, le PC et la Gauche socialiste. C’est le vide stratégique. La pause estivale tombe bien.
1. Rapportant pour la tendance majoritaire lors du dernier congrès de Saint-Denis qui s’est tenu du 1er au 4 juin 2000.
2. le Monde, 14 juin 2000.
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