Des chiffres et des films

Le Festival s’ouvrira sur Vatel, de Roland Joffré. TF1, coproductrice, a investi 22 millions de francs. En comparaison, une émission de première partie de soirée, fiction ou divertissement, coûte entre 1,5 et 6 millions.

Le cinéma et la télévision sont deux mondes dépendants l’un de l’autre qui ne cessent, cependant, de s’éloigner. La richesse des films français constitue, en même temps, sa plus grande fragilité. Le compte de soutien, finançant l’aide automatique aux films, est considéré comme le meilleur d’Europe. Le système de protection des salles interdit aux chaînes de diffuser des longs métrages les mercredi et vendredi soir, ainsi que les samedi et dimanche avant 20h 30. Un seuil de 129 films ne doit pas être franchi. Des quotas sont en application. Canal Plus, en tant que chaîne cryptée, doit investir 20 % de son chiffre d’affaire dans le septième art (la moitié est dirigée vers des productions françaises). On estime à près de 40 % l’investissement des chaînes de télévision dans le cinéma hexagonal.

La contrepartie se situe en amont et en aval de la création artistique. Les producteurs savent qu’un échec en salles sera amorti par la diffusion sur les chaînes. Ces dernières veulent des « produits » capables de s’installer aux heures de grande écoute, et sans choquer les annonceurs ou les téléspectateurs. Tout ce qui est trop audacieux ou connoté « art et essai » est implacablement rejeté. Une grande partie des réalisateurs français se trouve dans ce cas de figure. En dehors d’Arte, à l’audience restreinte, personne ne programme en début de soirée Claire Denis, Jean-Luc Godard ou Arnaud Deplechin. Le risque d’appauvrissement du cinéma français ne tient donc pas simplement à une baisse des entrées dans les salles. Entre 1983 et 1992, 57 % des films produits n’ont pas trouvé place sur le petit écran. On préfère rediffuser des valeurs sûres (la Grande Vadrouille en est l’exemple caricatural) ou des émissions de variétés.

Une seule chaîne arrive à résister à cet assujettissement économique : Arte. Elle a pris le relais d’un service public lancé dans la course à l’audimat. Ses réussites ont pour noms : Ressources humaines, de Laurent Cantet ou la collection Gauche/Droite (Tontaine et tonton, de Tonie Marshall, la Voleuse de Saint-Lubi, de Claire Devers, entre autres). Elle propose une alternative aux circuits traditionnels en établissant une passerelle entre petit et grand écran. Et si l’avenir du cinéma français passait par la télévision ?

Bibliographie :

Jean-Pierre Jézéquel et Régine Chaniac, Télévision et Cinéma. Le Désenchantement, Eds. INA/Nathan.

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