Les faux pas du CSA

Depuis la fin de l’année passée, des affiches vantant les mérites de sites Internet fleurissent dans toutes les villes. Chacun veut en effet se faire une place au soleil, alors que les Français sont de plus en plus nombreux à se connecter sur le réseau. Il faut être à tout prix présent pour jouer des coudes dans la course aux contenus qui, dépendant de partenariats, ne sont pas extensibles à l’infini, mais aussi pour avoir une bonne chance de se faire acheter par plus gros que soi et faire ainsi une jolie plus-value. La télévision n’est pas épargnée et les «www.» se font cathodiques.

Des secteurs d’activités étaient jusqu’à présent interdits de publicité télévisée : la presse, la grande distribution, le cinéma et l’édition. Ce décret de 1992 avait été promulgué afin de protéger la presse quotidienne régionale (PQR) et la radio d’une fuite de ces annonceurs vers l’audiovisuel. Mais une publicité pour le site d’un grand distributeur est-elle assimilable à une publicité traditionnelle ? En outre, les grandes chaînes de télévision ne se gênant pas pour faire l’apologie de leurs propres sites, pourquoi les quotidiens nationaux d’information ayant ouvert un site sur Internet seraient-ils interdits d’antenne ? Un casse-tête auquel le CSA a répondu le mardi 22 février en autorisant, à titre d’expérimentation pour dix-huit mois, la publicité à la télévision pour les quatre secteurs d’activités. « Nous avons voulu éviter une attitude frileuse et de repli, expliquait alors Hervé Bourges, président du CSA. Notre décision vise à permettre le développement des sites français en préservant les conditions d’une concurrence équilibrée entre eux. »

La réaction de la PQR et des radios privées fut immédiate : la grande distribution représente près d’un tiers de leurs revenus publicitaires. D’autres prises de positions assez virulentes ont suivi. Une invasion médiatique de librairies en ligne, comme Amazon. com, ne signera-t-elle pas l’acte de disparition des librairies « de ville » indépendantes qui ne disposent pas de moyens suffisant pour s’afficher sur le petit écran ? Les grosses sociétés de productions cinématographiques américaines n’envahiront-elles pas nos espaces publicitaires au détriment d’un cinéma français déjà en perte de vitesse ? Autant de questions qui ont fait réagir Catherine Trautmann, ministre de la Culture et de la Communication, surprise par cette décision du CSA décidée sans réelle concertation avec les secteurs concernés. Elle demandait ainsi aux sages de « bien mesurer les conséquences » de leur décision.

Devant une telle unanimité, le CSA a décidé le 29 février de faire marche arrière pour « élargir la concertation à toutes les parties concernées ». Cette polémique, au delà des enjeux économiques, révèle l’impréparation de la France face aux mutations induites par les nouvelles technologies. Concevoir les enjeux à long terme d’une déréglementation est un travail dangereux si l’on subit les changements sans en être réellement acteur. En parant au plus pressé, on s’expose à avoir toujours un métro de retard. La loi sur l’audiovisuel qui passe en seconde lecture à l’Assemblée nationale en est un exemple. Prendre le temps pour la réflexion et la concertation est une chose essentielle pour agir avec justesse et discernement. Mais au même moment le monde des technologies avance à toute vitesse. Il convient donc d’anticiper…

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