Entretien avec Ramsey Clark
Jean Solbès, journaliste spécialiste de l’Amérique du Nord, a pu recueillir les propos de Ramsey Clark, ancien ministre de la Justice. Bien connu des progressistes américains, l’avocat Ramsey Clark a servi sous les administrations de Kennedy et de Johnson. Il s’engage aujourd’hui pour les droits de l’Homme. C’est pourquoi on le retrouve aux côtés de Mumia et Léonard Pelletier. Cet engagement, comme tous les autres, est essentiel, c’est en avril que la décision de révision du procès doit être prise.
« Notre système judiciaire et policier consiste à cibler des hommes ou des femmes de talent qui ont un message politique. Ce fut la même chose avec Steve Biko en Afrique du Sud. Aujourd’hui c’est le cas avec Mumia Abu Jamal qui s’inscrit dans une longue tradition américaine qui vise à mettre « hors d’état de nuire » des hommes de talent. De nombreux militants des Black Panthers ont ainsi été abattus par la police.
Mumia Abu Jamal est un homme très intelligent et cultivé. C’est un communicateur puissant et un intellectuel brillant. Il est donc considéré comme dangereux par certains dirigeants car sa puissance réside dans son discours. Son inculpation, puis sa condamnation font suite à un incident non prémédité, qui n’at rien à voir avec la peine de mort. De tels incidents impliquant des Noirs se produisent régulièrement. Souvent, pour un Noir, il est dangereux de sortir le soir.
La situation de Mumia Abu Jamal est à cet égard identique à celle du leader indien Léonard Pelletier. C’est aussi un homme de communication très puissant et un symbole pour la lutte des Indiens des Etats-Unis. Il est connu pour ses écrits mais aussi pour sa peinture. Emprisonné après avoir été accusé par le FBI d’avoir tué des policiers lors d’un assaut des forces de police, il est emprisonné depuis plus de quinze ans après un procès truqué et connaît aujourd’hui de graves problèmes de santé. Une chose est sûre : il ne devrait plus être emprisonné puisque les autorités judiciaires fédérales ont reconnu ne pas savoir qui a tué ces deux policiers.
Cette affaire, tout comme le procès de Mumia, montre que notre système judiciaire est en crise. Par exemple, en Californie, 40 % des hommes noirs, âgés de 17 à 27 ans, sont en prison. Dans ces conditions, on peut parler de justice politique. C’est pratiquement une génération qui se trouve ainsi sacrifiée. Comment expliquer une telle situation autrement que par des choix politiques ? Ou alors cela voudrait dire que ces jeunes ont des gènes spécifiques qui induisent leur violence ? Bien sûr, cette supposition est stupide.
En ce sens, l’incarcération apparaît comme un moyen de contrôle de ces jeunes. Le cas de Mumia est d’autant plus symbolique qu’il représente la voix de ces jeunes lorsqu’il dénonce les injustices sociales, raciales et économiques. C’est pourquoi il représente un danger pour « l’establishment » de ce pays, mais aussi pour le pouvoir et pour la police. »
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