Bonheur

Non, le bonheur n’est pas un objectif politique, fût-il le « bonheur commun » ! Dans la meilleure des sociétés possibles, si l’homme ou la femme que vous aimez passe sous un autobus, vous serez malheureux comme les pierres. La maladie, la mort, les amours brisés ou les hasards heureux se chargent de la question du bonheur sans que les congrès politiques y puissent grand chose. L’objectif politique, l’utopie politique des communistes, c’est, comme le disait Lénine, « une société sans violence, ni soumission », une société où la contrainte disparaîtrait, la possibilité d’être homme en grand, et non par intermittence.

Ce que peuvent faire advenir les humains dans leur activité politique, c’est d’élargir les espaces de l’existence dégagés des « mécanismes » qui nous contraignent, mécanismes du marché, assujettissement aux formes capitalistes du travail, violences d’Etat, poids des soumissions familiales ou des préjugés religieux, contraintes physiques qui nous empêchent de voler dans les airs ou de vaincre la maladie. Le progrès, quoi ! L’utopie politique des communistes, c’est d’ouvrir à chacun, solidairement, les bienfaits de la civilisation, la possibilité d’une vie intense et riche.

Intense et riche dans les peines ou dans les joies, dans les plaisirs et même dans le sacrifice, qu’il faut fuir mais qu’on ne peut toujours éviter. Placer le bonheur comme objectif politique, c’est à nouveau, me semble-t-il, se payer de mots, risquer l’affreuse déception, nourrir l’illusion des « lendemains qui chantent » et des engagements sans lendemain.

C’est aussi se priver d’un critère précis et fécond pour juger du passé et discerner les fronts politiques où s’engager efficacement : le critère du recul des contraintes.

* Philosophe.

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