La mort tragique des trois enfants d’un couple de touristes français à la frontière Angola-Namibie, dans la bande de Caprivi, a rappelé au monde que la guerre en Angola dure depuis 1975.
La guerre d’indépendance de cette ancienne colonie portugaise a démarré en 1960 et le mouvement de libération MPLA a dû mener de front la lutte contre le colonisateur mais aussi contre tous ceux qui ne voulaient pas de sa victoire parce qu’il était d’obédience marxiste. Le Portugal, mais aussi les Etats-Unis, les pays occidentaux, l’Afrique du Sud de l’apartheid n’ont jamais manqué d’aider des groupes et personnalités opposés au MPLA, sûrs d’avoir là les alliés nécessaires pour contrer et stopper l’avancée du communisme en terre africaine. Cette politique de la guerre froide, le peuple angolais en fait encore les frais aujourd’hui.
L’UNITA de Jonas Savimbi a été le plus sûr allié jusqu’en 1988 où les Sud-Africains, battus militairement par les troupes angolaises et cubaines, ont dû accepter de retirer leurs troupes d’Angola et de Namibie et d’accorder l’indépendance à cette dernière. Mais ce qui était écrit sur le papier des accords n’était pas forcément respecté par les signataires. Ainsi les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, ont continué de soutenir l’UNITA dans l’espoir de renverser le pouvoir angolais. Le plan a échoué quand les élections de 1992, contrôlées par la communauté internationale, ont donné la majorité au MPLA. Savimbi refusa les résultats et reprit la guerre de plus belle, « la pire guerre du monde » selon les termes de l’ONU, faisant mille morts par jour. Savimbi contrôlait alors 75 % du territoire par la terreur.
En 1994, les accords de Lusaka demandaient aux deux parties de poser les armes et de caserner leurs troupes sous le contrôle d’une force de l’ONU, la MONUA, ce que l’UNITA ne fit pas, bien au contraire. Les sanctions décidées par le Conseil de sécurité de l’ONU n’ont jamais été vraiment appliquées. En 1997, le gouvernement angolais acceptait de former un gouvernement d’unité nationale en offrant des postes importants à des membres de l’UNITA. Mais cette main tendue a été rejetée par Savimbi qui a repris la guerre de plus belle malgré l’opposition de certains responsables de son mouvement.
La solution pour en finir avec Savimbi, que tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître comme le principal responsable d’une guerre qui a fait des milliers de morts, des millions de réfugiés, qui a saccagé l’économie d’un pays doté d’énormes richesses naturelles reste la solution militaire. C’est la stratégie adoptée par le gouvernement angolais ces derniers mois qui a réussi à reprendre par la force une grande partie du territoire jusqu’ici contrôlé par l’UNITA.
Devant la déroute militaire, l’UNITA a été forcé de reculer aux frontières de la Namibie et de la Zambie. Les nouvelles alliances régionales suscitées par le conflit en République démocratique du Congo et l’héritage des solidarités du temps de la lutte contre le régime d’apartheid ont amené la Namibie à conclure une alliance avec le gouvernement angolais pour en finir avec l’UNITA.
De plus, ce n’est pas d’aujourd’hui que l’UNITA est implanté sur le territoire namibien, dans la bande de Caprivi, cette région qui forme un étroit ruban à la frontière Angola/Namibie. C’est de là que l’armée sud-africaine lançait ses attaques contre l’Angola en collaboration avec l’UNITA et là aussi que les services secrets sud-africains formaient les Koevoets, ces escadrons de la mort, dont la spécialité était la destruction de la SWAPO (1).
Certains de ces Koevoets se retrouvent aujourd’hui dans les rangs de l’UNITA. La bande de Caprivi est une zone d’instabilité depuis des années. En décembre 1998, quand des troubles ont eu lieu à nouveau dans cette région, puis en août 1999, l’UNITA a été accusée de former et d’aider les militants indépendantistes de Caprivi.
On comprend pourquoi le gouvernement angolais qui veut en finir avec l’UNITA et le gouvernement namibien très préoccupé par la situation dans la bande de Caprivi ont fait cause commune (2). Mais le risque est grand de voir l’instabilité gagner cette partie de l’Afrique et le conflit angolais embraser la région.
En janvier 1999, le Parlement angolais à l’unanimité, c’est-à-dire avec l’accord des élus de l’UNITA qui condamnent la stratégie meurtrière de Savimbi, ont déclaré Jonas Savimbi « criminel de guerre et terroriste international » et demandé qu’il soit arrêté et jugé par un tribunal pénal international, comme les criminels rwandais et yougoslaves…
Mais cette demande, comme l’application stricte des sanctions pour isoler l’UNITA et lui retirer les moyens financiers qui lui permettent de continuer une des guerres les plus meurtrières de cette fin de siècle, ne pourront être suivies d’effet que si la communauté internationale cesse de tergiverser, déploie sa diplomatie au service de la stabilité dans cette région, mette fin aux conflits et prend en compte le martyre du peuple angolais.
1. Voir « Namibia in Focus » publié par Human Rights Commission, 1999.
2. The Star, quotidien sud-africain, et Agora, hebdomadaire angolais, août 1999.
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