Le début d’un millénaire sans guerres ?

Que pouvait signifier pour des pacifistes le lancement par l’ONU de la campagne An 2000, année de la culture de la paix ? Réunis pour leur congrès (1), des quatre coins du monde, ils l’ont dit, compte tenu de situations nationales diverses. Si l’ONU représente à la fois l’espoir d’un relatif consensus pour une planète libérée des conflits armés, elle peut être perçue également comme le danger d’un contrôle de fait, par l’intermédiaire des organisations internationales, d’une seule puissance sur le monde.

Le prochain risque de guerre dans le siècle à venir vient de l’ONU, dont les principes renforcent l’hégémonie américaine. » Pour M. Iroshi Suda, en Asie, les Etats-Unis sont le plus grand facteur de tension militaire, le Japon, qui leur sert de fait de base militaire dans la région, participe, malgré lui, à l’armement général des nations asiatiques. Seule une mobilisation de l’opinion publique peut changer les pleins pouvoirs que s’est donnés la puissance dominante. « Le Japon désarmé pourrait donner l’exemple pour un désarmement général en Asie. » La souffrance des derniers survivants d’Hiroshima et de Nagasaki convainc assez de l’horreur de toute légitimité donnée à la guerre. Mais « tant que les Etats-Unis poursuivent leur stratégie de puissance militaire, ils arment la planète ».

L’ONU va-t-elle devenir l’organisme des citoyens…

Dans son message aux congressistes, Kofi Annan conseillait pourtant de « compter sur l’ONU », qui relaye le message des ONG comme des Etats membres, pour influencer les gouvernements, et convaincre la « société civile » de la nécessité de son engagement, et de « sa responsabilité »(!) pour la paix. M. Fodha, représentant l’organisation, ajouta qu’il souhaitait que l’ONU devienne l’organisme des citoyens, et non pas des puissances. Comme pour soutenir ces propos, Van den Biesen, de l’Appel de la Haye, présenta l’Agenda pour la paix, à la fois future base de travail de l’ONU, et pur produit de la base militante. Mais le message était clair, l’ONU aurait voulu déplacer le combat pour la paix, d’une lutte politique à un débat d’éthique dont elle garderait la maîtrise : la défense du principe de « bonne gouvernance », mais aussi transformer la mobilisation de l’opinion en une « participation »…

… ou restera-t-elle celui des grandes puissances ?

Tout est possible » est la phrase de Gordon Clark de Peace Action (USA) : possible d’influencer les dirigeants par des actions ciblées et médiatiques, par le lobbying, l’information des membres du Congrès, possible aussi de changer les lois internationales, partager les ressources, redéfinir ce qu’est un pays, afin d’imposer le principe de multi-ethnisme. « Le Congrès est de plus en plus agressif, note Gordon Clark, les interventions militaires arrivent tout d’un coup, sans que nous n’ayons pu faire grand chose », le mouvement se mobilise sur le drame de l’Irak, pour le désarmement nucléaire, le traité contre la prolifération. « L’Amérique pourrait mener le monde par son exemple en renonçant à l’utilisation de la force, en s’imposant de régler les conflits par d’autres moyens, par la recherche de règles équitables. » L’opinion américaine peut-elle avoir un impact sur la politique de sa fédération ? Gordon Clarke avoue : « Les Américains sont trop confortables pour se mobiliser, nous devons trouver d’autres moyens d’action. » Internet ? « J’essaye de convaincre des militants de quitter par moments leurs ordinateurs, car le travail sur le terrain est important, le seul qui peut créer des communautés. »

L’Internet n’entrave pas le travail sur le terrain

Le mouvement algérien pour la paix et le développement était aussi présent au congrès. Son discours insiste précisément sur l’importance du lien communautaire, de la solidarité : « la société civile a toujours tenu bon, malgré la cruauté, malgré le danger toujours présent de mourir ».

Les solutions pour la paix en Algérie ? « D’un côté, un ministre civil de la Défense, afin de rompre définitivement avec le régime militaire, de l’autre, imposer aux criminels de faire réellement leur mea culpa. En se disant agir pour respecter une Fatwa, ils omettent de reconnaître leur responsabilité ».Un vrai désarmement général est-il possible en Algérie ? « Quel moyen peut-on avoir contre les réseaux qui alimentent l’Algérie en armes ? Et peut-on, comme le font les militaires, forcer par les armes de renoncer aux armes ? »

L’objectif politique du mouvement ? « Imposer à l’ONU une présence permanente des mouvements pour la paix, au même titre que l’Unesco. »Le CND de Grande-Bretagne garde une approche strictement anti-nucléaire. « En maintenant cette orientation, nous pouvons nous concentrer sur nos moyens d’actions et réaliser l’unité des différentes approches pour la paix », explique son président Dave Knight. Autre sujet de cohésion : le combat « anti-OTAN ». « Il faudrait créer une distance entre nous et les Américains, mais aussi profiter de notre relation avec eux pour les convaincre qu’ils s’engagent dans une mauvaise direction, notamment en ce qui concerne leurs prochains projets militaires dans l’espace. (…) Notre problème en Europe est l’aspect « propret » de nos armées ». Peut-on changer la politique des Etats, des multinationales ? « Quelles que soient les victoires remportées, les « grands » sauront tirer le profit à leur avantage. Ils renonceront un jour à la dissuasion nucléaire : mais seulement quand ils auront trouvé de nouveaux moyens pour exercer leur contrôle. Nous devrions travailler à nous battre déjà sur ce qui succédera au nucléaire ».

Quel consensus autour de la France « blanche » ?

Désir partagé d’emboîter le pas aux mouvements anti-mondialistes, d’ouvrir le combat pacifiste aux luttes contre tout ce qui reproduit, y compris au niveau économique, les rapports de puissance… Mais qu’en est-il d’une remise en cause de la France ? « Il existe un mur épais sur tout ce qui concerne les responsabilités françaises, un consensus que la France est «blanche», une indulgence vis à vis des décideurs politiques, confie Daniel Durand, secrétaire national du mouvement, il est urgent de travailler à manier une critique, réouvrir les dossiers, comme celui des essais nucléaires en Algérie, ou contre le projet de simulateur d’essais de Bordeaux ». Il a aussi été question d’utopie car la paix est aussi une histoire d’émotion.

Congrès du Mouvement de la Paix, Vitry (94), les 27, 28, 2 9/11/1999

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