La presse a beaucoup insisté sur le côté énigmatique de l’homme Mbeki ; il est vrai que celui qui a la lourde tâche de succéder à Nelson Mandela a horreur des questions sur sa vie privée. De fait il est plus important de savoir quel homme politique se trouve aujourd’hui à la tête de la République d’Afrique du Sud que de connaître la couleur de ses chaussettes. C’est en lisant ses écrits et discours que l’on peut avoir une idée de la politique qu’il entend mener.
En décembre 1997 à une question du quotidien The Star sur l’éventualité d’un changement de politique de l’ANC après le départ de Mandela, il répondait : « La politique de l’ANC aujourd’hui : la poursuite de la transformation du pays et de la réconciliation, la création d’une Afrique du Sud non raciale et la restructuration de l’économie : est autant le produit de la génération de Mandela que celle des futures générations. Je ne crois pas que le départ de monsieur Mandela soit l’annonce de la naissance d’une nouvelle politique. L’ANC a toujours travaillé comme un collectif… »
Dans cette réponse, les priorités du futur président Mbeki et de son gouvernement étaient déjà présentes. En ce qui concerne la réconciliation, Mbeki avait annoncé comment il l’envisageait pour son pays dans plusieurs interventions.
En 1995 : « Vous ne pouvez pas envisager la réconciliation entre Noirs et Blancs dans une situation dans laquelle la pauvreté et la richesse continuent de se définir selon des critères raciaux. » Le 25 février 1999, dans un débat parlementaire sur le rapport de la commission Réconciliation et vérité, il revenait sur cette idée d’inégalité raciale : « … nous serons assez téméraire pour dire que l’Afrique du Sud est un pays composé de deux nations. » Et il continuait sur l’idée que la réconciliation ne pouvait s’envisager qu’avec une profonde transformation du pays.
Dès 1990, la transformation du pays était une donnée fondamentale : « Tout règlement politique en Afrique du Sud ne survivra pas, à moins d’une transformation de la qualité de la vie en particulier de celle de la majorité noire » et, en 1997, il insistait en affirmant : « Cette nouvelle nation ne peut pas vivre en perpétuant les inégalités extraordinaires héritées du passé. » Dans un document pour le dernier Congrès de l’ANC, il définissait ainsi le rôle de l’Etat : « La déracialisation et la démocratisation de l’économie est l’une des tâches prioritaire de l’Etat démocratique. »
Plus loin, il expliquait le rôle d’un Etat pour le développement : « Un Etat pour le développement devrait utiliser les ressources dont il a la maîtrise pour la redistribution des richesses dans l’intérêt des pauvres et des défavorisés. »
Ce discours sur la nécessité urgente d’améliorer le sort de ceux qui ont le plus souffert du système d’apartheid est revenu dans ses discours de président et quand il a dit, à un meeting dans sa région natale du Transkei, ancien bantoustan du système d’apartheid, qu’il ne salirait plus ses belles chaussures cirées dans la boue la prochaine fois qu’il reviendrait là, car la route sera alors goudronnée, cette phrase était-elle une plaisanterie pour la presse qui lui reproche d’être froid et distant ou bien un engagement politique ?
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