Une symphonie de festivals

L’été, la France se transforme en un festival culturel. De musique, il y en a plusieurs centaines, grands et petits, réputés et moins connus. De jazz ou de rock, de musiques traditionnelles ou classiques, contemporaines ou actuelles, urbaines ou bucoliques. En plein air ou en salle. Pour tous les goûts et toutes les bourses. Voici trois d’entre eux, du plus correct au plus décalé (1).

LES VOIX DE LA PASSION

Les cinq opéras qui sont, cet été, sur la scène du palais de l’Ancien Archevêché d’Aix-en-Provence, inventent chacun une histoire d’amour : l’Incoronazione di Poppea, de Claudio Monteverdi, s’ouvre sur un débat animé. Fortune, Vertu et Amour se disputent le monde. Chacun à tour de rôle tente d’affirmer sa prééminence mais il suffit qu’Amour paraisse pour être déclaré vainqueur. Amour qui sauvera Poppée des mains de son ancien amant et la fera impératrice.

L’amour à Aix

Minerve était vertueuse, Junon était fortunée, mais Vénus était aimable et Paris choisit Vénus et la Belle Hélène (de Jacques Offenbach) s’offrit à lui. L’enlèvement d’Hélène, reine de Sparte par Pâris, fils de Priam, fut le prétexte d’une guerre sanglante qui mit fin à un empire. La guerre et l’amour ne se sont jamais si bien mêlés qu’en musique. Ce n’est pas sans évoquer les affres de la guerre amoureuse, celle qu’un Don Juan livre quand, dans la fureur, il délaisse Donna Elvira et assassine son père. Passion, jalousie, souffrance, dévotion, sensualité : l’amour qui, par sa force surnaturelle, soulève les sentiments les plus nobles, est toujours vainqueur chez Claudio Monteverdi, Wolfgang Amadeus Mozart et Jacques Offenbach.

Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence

Palais de l’ancien Archevêché 13100 Aix-en-Provence Tél : 04 42 17 34 34

AVENTURES SOUS LA FEUILLE D’ACANTHE

Il y eut, juste après la Première Guerre mondiale, en Allemagne, l’aventure fascinante du Bauhaus qui, huit décennies après, demeure dans les mémoires. Il y eut, juste après la Seconde Guerre, dans cette Allemagne sortant des ravages du nazisme, l’installation estivale des grands musiciens de notre temps à Darmstadt. Il y a aujourd’hui, et depuis plus de vingt ans, du côté de cette Provence où les festivals académiques poussent comme des champignons, un haut lieu, lui aussi consacré à la création de musique contemporaine et résolument investi dans l’avant-garde : le Centre Acanthes installé à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. Lancé au Festival d’Aix-en-Provence, il est associé, depuis 1987, au Festival d’Avignon. La vocation première du Centre Acanthes est pédagogique, les stagiaires (compositeurs, interprètes, musicologues, enseignants) venant du monde entier sont de jeunes professionnels. Son originalité est de concentrer son activité autour des compositeurs majeurs de notre temps, différents à chacune des sessions.

Le son d’Avignon

Helmut Lachenmann (né en 1935 à Stuttgart) est le compositeur invité du Centre Acanthes pour sa vingt-troisième édition. Le compositeur allemand qui a toujours eu un rapport particulier au matériau fondant sa musique, la plus riche et la plus haletante de ce siècle, fut d’abord l’élève de Luigi Nono à Venise (1958-1960). Puis, il suit les cours de Karlheinz Stockhausen à Cologne, et fait une courte halte en Belgique, au studio d’électronique de Gand. Après ces expériences, il commence de composer posément des oeuvres où il fait une synthèse critique des différents courants esthétiques des années 60-70 : post sériel, expérimental, aléatoire. S’y grefferont ensuite ses recherches sur les bruits et les sons déformés. Ainsi s’élabore sa conception du matériau pour découvrir un mode d’expression qui s’oppose radicalement à ce qui est en usage. TemA (1968), pour flûte, voix et violoncelle et Gran Torso (1971-1976), pour quatuor à cordes représentent en quelque sorte un aboutissement où le compositeur, laminé par le poids de l’histoire, va rejeter le concept de la beauté.

Dans Mouvement, pour ensemble, il évoque en l’occurrence les techniques de jeux dénaturés et autres transformations de sons et de rythmes. Cette fuite vers l’exotisme de l’étrange amènera également Helmut Lachenmann dans Dal niente (1970) de voiler la brillance d’une oeuvre pour soliste. « S’il s’agit de casser, de détruire quelque chose, c’est pour mieux voir ce qu’elle recèle en nous-mêmes pour la délivrer, peut-être pour nous délivrer. » La volonté consciente qui anime le compositeur de mettre en oeuvre une non-musique, loin d’être une absurdité, nous renvoie à cette idée qu’un champ de ruines devient aussi un champ de force.

Centre Acanthes à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon

30400 Villeneuve-lez-Avignon Tél : 04 90 15 24 02

DECALE, MIXE

Le Théâtre Antique d’Arles propose aux mélomanes curieux un vaste programme de musique et de danse où se concoctent des mélanges apparemment contre nature. Ces valses incontrôlables de vocabulaire musical rend le Festival MIMI (Mouvement International des Musiques Innovatrices) original et atypique. Car le directeur de l’AMI (Aide aux Musiques Innovatrices), Ferdinand Richard, joue l’audace des genres et des styles qui se confrontent. Sous les vibrations ouralo-atlaïques, c’est la rencontre du groupe Nekropsi (Turquie) qui veut renverser des perspectives fondamentales sur l’histoire et la géographie du rock, incarnant ainsi pleinement un renouveau musical turc.

L’AMI, c’est MIMI

C’est dans la recherche des voies nouvelles qui assument le double héritage de l’Afrique et de sa modernité que se situe la Compagnie Gaara, première compagnie de danse contemporaineau Kenya, créée en 1997. Percussions, chants, tambourins et vielle à roue : tels sont encore les instruments du groupe marseillais Dupain qui défend une musique associant très judicieusement des chants et des thèmes du XIXe siècle (mouvement ouvrier, textes sociaux en occitan) à des séquenceurs et boîtes à rythmes. Est également invité le génie excentrique de Moondog (longtemps revêtu d’un costume de Viking) qui s’inscrit parmi les grands compositeurs classiques minimalistes et dont les mélodies naïves et mélancoliques sont tirées des rythmes de la musique des Indiens d’Amérique du Nord. Nuit crash, nuit Afrique frichiste, nuit quasi-pataphysique, nuit des ballades ou encore nuit paranormale, les soirées du Festival MIMI qui s’inspirent d’un style bohème, sont hautement décalées.

Festival MIMI 99,

du 27 juillet au 1er août au Théâtre Antique d’Arles, 13200 Arles

AMI, 23 rue Guibal, 13331 Marseille Cedex 3.Tél : 04 91 11 42 52

1. Le ministère de la Culture et de la Communication édite, comme chaque année, le Guide des festivals et des expositions qui inventorie plus de 10 000 manifestations. Il est disponible, au prix de 60 F, à l’Office central des partenariats, 149, rue Saint-Honoré, 75001 Paris. Tél : 01 47 03 48 48.

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