Retour à Azincourt

Entretien avec Jean-Louis Benoît

Henry V, de Shakespeare, dans une mise en scène de Jean-Louis Benoît, sera le seul spectacle théâtral sur la grande scène de la Cour d’Honneur. Il s’agit d’une des pièces épiques de Shakespeare, que l’on connaît surtout en France par deux films : la version de Laurence Olivier en 1944 et celle de K. Brannagh. C’est que la pièce n’a jamais été montée en France, souvent comprise comme oeuvre « va-t-en guerre », qui fait rire aux dépens de Français présentés comme de sots fanfarons. Elle se déroule en pleine guerre de Cent ans. L’action converge vers la fameuse bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415 qui vit, malgré la disproportion des forces en présence, victoire anglaise et catastrophe française… A quelques jours des représentations, Jean-Louis Benoît, metteur en scène, nous parle de l’oeuvre qu’il crée avec dans le rôle titre Philippe Torreton. n

Jean-Louis Benoît : Il me paraîtrait très réducteur de ne voir cette pièce que comme une « geste » patriotique et guerrière. Il est vrai qu’Henry V balaie tous les obstacles pour récupérer les terres françaises que l’Angleterre avait perdues et qu’il mène sa campagne tambour battant ; mais privé de l’appui de sa noblesse, il part surtout en guerre pour conquérir sa légitimité. En fait, ce n’est pas un roi solaire. Sombre, au contraire, qui doute toujours. La nuit qui précède la bataille, il se déguise pour sonder ses troupes, chercher la paix de sa conscience et essaie de convaincre que sa cause est juste. La question du pouvoir, de la fonction royale et de ses responsabilités sont au centre de la pièce. En même temps, Shakespeare le présente comme une sorte de guerrier-saint qui mène une guerre sainte. A Azincourt, il ne croit pas à la victoire des hommes, mais à un miracle divin. C’est une sorte de prêtre, très prêchi-prêcha. Quand il fait sa cour à une Dame, il ne parvient pas à ses fins. Il peut tout conquérir, sauf l’amour et l’intimité d’une femme.

Avez-vous choisi cette pièce pour son énergie et efficacité comique ?

Jean-Louis Benoît : C’est une comédie. Après chaque scène glorieuse arrive une scène burlesque, comme si Shakespeare voulait ridiculiser le roi. De nombreux « shakespearologues » soutiennent ce point de vue. En fait la pièce est baroque et mélange les genres, le grotesque et le glorieux ; ce n’est jamais un théâtre linéaire ; tout se retourne toujours. C’est ça la grandeur du théâtre de Shakespeare, qu’on ne connaît pas dans le théâtre français.

C’est aussi un grand spectacle populaire avec 35 personnages, de grands espaces, de l’épique…

Jean-Louis Benoît : Il n’y aura que 15 comédien (ne) s, et c’est déjà beaucoup. Je n’ai aucune envie de faire du « spectaculaire », avec chevaux et mouvements de foule. Au contraire, je voudrais montrer davantage le rôle de la parole au théâtre et monter davantage une « chanson de geste ». Cette pièce nous parle en fait de l’essence même du théâtre : comment raconter une telle histoire, sur peu d’espace, avec des bouts de ficelle et des moyens artisanaux. Elle nous parle aussi du rôle du spectateur à qui on doit permettre d’imaginer.

Festival d’Avignon. Tél. : 04 90 14 14 14

Henry V

de Shakespeare.

Mise en scène J.-L. Benoît. Cour d’Honneur.

9 à 17 juillet, 22h, sauf le 14 .

* Metteur en scène.

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