Coup de projo sur Carax

Gilles Jacob, délégué général du Festival de Cannes, a créé un précédent en annonçant, dès décembre, la sélection du nouveau film de Léos Carax, Pola X, qui était encore en cours de montage. Une « première » qui témoigne de la cote du cinéaste, considéré comme un génie du septième art et son mouton noir. Ses films rencontrent difficilement le public (et une partie de la critique) mais suscitent, chez ses admirateurs, un cortège de louanges. Cette aura d’ »artiste maudit » repose sur un malentendu. Carax ne fuit pas le public mais se refuse à faire des compromissions. Son oeuvre n’est jamais absconse ou hermétique.

Leos Carax (de son vrai nom Alex Dupont) est né à Paris en 1960. Après deux courts métrages (dont Strangulation blues), il sort, en 1984, son premier film Boy meets girl. Tout de suite, le style frappe par la virtuosité de sa réalisation et l’intelligence de l’emploi du noir et blanc. On invoque l’influence de la Nouvelle Vague. Ce poids de référence continue, encore aujourd’hui, à brouiller son image.

Pola X, encore en cours de montage en décembre, sera à Cannes ce mois de mai

Sa rencontre avec Juliette Binoche le pousse plus loin dans sa réflexion sur la place du metteur en scène dans la fabrication d’un film. Chef-d’oeuvre, Mauvais sang en 1986. La poésie du propos est relayée par la beauté de l’image de Jean-Yves Escoffier. Le résultat est un ovni cinématographique sans équivalent dans la production française. Les ennuis commencent, avec les Amants du Pont-Neuf. De graves problèmes compliquent le tournage, interrompu plusieurs fois. Le cinéaste est obligé de chercher de l’argent. Grâce à Christian Fechner, le producteur des Charlots, le film s’achève et sort. On parle plus de l’aventure du tournage que de l’oeuvre. Mais avec plusieurs années d’avance sur un cinéma bien pensant, Carax s’intéresse aux SDF, obligés de fouiller les poubelles pour manger. Ce n’est pas un regard social ou politique mais une prise de conscience.

L’incompréhension oblige Carax à attendre sept ans avant de démarrer un nouveau projet. Le 12 mai, Pola X sera présenté à Cannes. On saura alors si son désir ne s’est pas émoussé.

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