Cheick Oumar Sissoko, cinéaste: ‘Un sentiment d’urgence’

Oumar Cheick Sissoko, qui sera présent dans la manifestation de la CCAS, et dans la compétition officielle d’ « Un Certain Regard », n’a jamais arrêté de s’interroger sur le rôle du cinéma en Afrique, et sur la forme d’expression cinématographique la mieux adaptée pour instaurer un dialogue avec le public :

C’est vraiment la politique » dit-il, « qui m’a amené au cinéma. » »Je faisais des études de mathématiques en France, j’étais aussi un militant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire, avec des idéaux de liberté et de justice sociale. Et militant CGT là où je travaillais. Dans ce formidable bouillonnement de solidarité du peuple de France, dans la rue, avec le Chili, le Vietnam, l’Afrique du Sud, j’ai été amené à me poser des questions : qu’allais-je faire, en tant que professeur de mathématiques, en Afrique où, seuls les partis uniques font la loi, où il n’y a ni liberté d’expression, ni liberté d’association, ni liberté d’opinion, et pas de libre accès aux médias ? J’ai pensé faire du théâtre et puis je suis venu au cinéma, après avoir fait des études d’histoire et de sociologie qui m’ont donné une méthodologie de travail. J’ai également suivi des cours à l’école Louis Lumière. Tous les films que j’ai réalisés l’ont été impulsés par un sentiment d’urgence, qu’ils soient documentaires comme l’Ecole malienne, Sécheresse et exode rural, et plus tard, Etre jeunes à Bamako ou de fiction comme Nyamanton ou la leçon des ordures : j’ai vu la situation des enfants, au Mali, moi qui avais été à l’école les mains dans les poches : ils étaient dans les rues, ou, quand ils avaient les moyens d’aller à l’école, ils portaient leur banc sur la tête.

J’ai, ensuite, voulu aborder le problème de la violence que subissait la femme soumise à la loi de l’excision et du lévirat, avec Finzan. Puis je me suis retrouvé dans un groupe clandestin qui a créé une association, le Comité national d’initiatives pour le progrès, le CENID, pour rassembler les Maliens et exiger la démocratie. Après la chute du dictateur Moussa Traoré, il a fallu mettre en place des institutions qui tiennent. Comme directeur du centre du cinéma malien, avec mes collaborateurs, nous avons essayé de faire avancer les choses, mais il n’y avait pas de volonté politique de la part de nos dirigeants : il y a des urgences, disaient-ils. Je trouve assez irresponsable de la part de l’état de dire que la culture et la nourriture de l’esprit ne sont pas des priorités dans les pays comme les nôtres, car elles permettent de comprendre les problèmes de la société et d’y faire face. Rares sont les pays africains qui l’ont compris. A part le Burkina Faso… »

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