TRIBUNE. Sois jeune et manifeste toi !

La jeunesse mérite mieux que le mépris de ses aînés au pouvoir. Un engagement réel apparaît nécessaire pour être à la hauteur des crises qu’elle traverse – mais aussi des défis de demain. Par Emma Rafowicz, présidente des Jeunes socialistes, et Rémi Cardon, sénateur socialiste de la Somme.

L’annonce du 49-3 a été un véritable coup de massue pour une grande partie de la population. Depuis le début de la séquence sur la réforme des retraites, le mépris a piloté les éléments de langage du gouvernement. De la décision d’user d’une procédure accélérée pour faire voter la loi, aux mensonges d’Olivier Dussopt sur les 1200 euros, s’ajoute une utilisation brutale du 49-3 sur une réforme largement contestée dans la rue. Cette décision a réveillé colère, sentiment d’injustice et désir de révolte de la jeunesse contre une démocratie perçue comme jouant contre sa voix, ses intérêts.

Et voilà maintenant que la ministre du Service national universel annonce que les lycées volontaires pourront installer le SNU pendant le temps scolaire pour un séjour de cohésion de 12 jours. Voilà encore une idée qui ne fait que gadgétiser les politiques jeunesses pour se faire plaisir. Comment croire en la politique, comment croire en la Ve République quand les décisions de notre pays sont faites contre la volonté populaire ?

Haro sur le mépris envers les jeunes

La mobilisation de la jeunesse partout sur le territoire était un message que nous devons entendre et comprendre. On reproche bien trop souvent aux jeunes de ne pas s’engager, d’être individualistes ou même flemmards. Et quand ils se lèvent, quand ils se mobilisent, la classe politique trouve encore quelque chose à redire. Comme l’évoque la journaliste Salomé Saqué, « il est plus qu’urgent de changer de regard sur la jeunesse : la solidarité intergénérationnelle est indispensable pour faire face aux bouleversements qui nous menacent tous ». Ce mépris de la jeunesse est devenu insupportable.

Or, un pays qui ne prend pas soin de sa jeunesse, comme c’est le cas aujourd’hui, c’est un pays qui ne va pas bien. Les jeunes sont directement impactés par les maux de notre société. 24% des 18-24 ans vivent sous le seuil de pauvreté, un chiffre qui peut même atteindre 40% pour les étudiants qui ne résident plus chez leurs parents. 4 étudiants sur 10 travaillent en parallèle de leurs études. L’inflation touche aussi fortement cette population. 57% de leur budget mensuel est consacré au loyer. Une grande partie des étudiants vit dans des passoires thermiques, entraînant un coût supplémentaire sur la facture d’électricité. S’ajoute à cela l’augmentation du prix des fluides (+15%), de l’alimentation (+13%) ou encore des transports. La santé des étudiants est aussi une problématique quotidienne, avec une détresse psychologique comme rarement observée et une éco-anxiété qui ne cesse de s’amplifier face à l’inaction de notre gouvernement.

Ecouter la jeunesse pour changer de paradigme

On comprend aisément que la présence des jeunes n’ait jamais été aussi importante dans les cortèges. Le gouvernement tente d’éteindre la flamme de la mobilisation en achetant la paix sociale. Avec une simple augmentation de 37 euros par mois des bourses, Emmanuel Macron pense endormir la colère. Mais 37 euros supplémentaires par mois pour les boursiers, c’est faiblement payé au regard des conséquences drastiques de la crise sociale sur notre jeunesse. Ces annonces apparaissent comme l’arbre qui cache la forêt.

En politique comme dans la vie, la première méthode pour une communication et un projet de société efficace c’est d’écouter ce que les gens ont à dire. La jeunesse, parce qu’elle porte les inquiétudes et les enjeux du futur, devrait être au centre du dialogue avec les institutions. Ce dialogue n’est pas bien difficile à nouer. Cette jeunesse, il suffit de la rencontrer, de l’écouter, pour comprendre sa présence dans la rue. Elle s’oppose à la retraite à 64 ans, pour la santé de ses parents. Elle réclame une vie digne, refusant de vivre dans la précarité et la détresse psychologique. Elle est là pour réveiller la classe politique, pour encourager au sursaut démocratique dont le pays a tant besoin. Cette jeunesse qui s’engage, c’est un message d’alerte, d’espoir et d’espérance.

Cette crise sociale et politique doit absolument déboucher sur une prise de conscience de nos gouvernants. Il faut à tout prix éviter le burn out démocratique : une fois atteinte, l’indifférence sera mère de la violence. Reconnaissons aux citoyens, à la jeunesse en particulier, la légitimité et la pertinence de leurs revendications. Notre jeunesse demande un véritable changement de paradigme.

De l’engagement et de la volonté politique

Engageons un New Deal pour la jeunesse, une réforme globale. Être jeune n’est pas une situation de transit vers la maturité politique, mais une expérience de la citoyenneté qui implique des droits spécifiques. Les parents sont les premiers inquiets de l’avenir de leurs enfants : répondre à la jeunesse, c’est aussi rassurer nos adultes. En concertation avec les organisations de jeunesse, fixons un horizon commun pour redonner confiance à toute une génération. La jeunesse est un bloc divers, le New Deal apporte des solutions aux jeunes quelle que soit leur milieu social, leur origine ou leur ancrage territorial. Garantissons enfin l’autonomie plurielle à nos étudiants, notamment par la mise en place du RSA pour les moins de 25 ans. Un message fort de solidarité et de confiance à destination de notre jeunesse. Il faut aligner majorité sociale à la majorité légale ! Abolissons le travail gratuit des jeunes et rémunérons les stages dès la première heure travaillée.

Nous proposons de répondre à la précarité étudiante en engageant une refonte complète du système des bourses. L’autonomie des étudiants doit être notre priorité. Nous devons assurer l’encadrement des loyers dans les villes étudiantes, accompagner cette mesure par un mécanisme de colocation solidaire et revenir sur la réforme injuste des APL. Aussi, il est urgent de mener une politique bien plus ambitieuse pour résorber la précarité énergétique. Pour cela, il faut agir sur de nombreux domaines comme la culture, le sport, l’économie sociale et solidaire… Accorder le droit à la mobilité pour tous est digne d’un pays comme le nôtre, permettant une ouverture d’esprit et une mixité sociale à nos jeunes concitoyens.

Faire de la politique, c’est se saisir du réel pour mettre toute son énergie à dessiner et façonner l’avenir. Améliorer la vie des gens, c’est une question de volonté politique. Si Emmanuel Macron veut agir pour la jeunesse, autrement qu’en l’encasernant avec le service national, il le peut.

 

Emma Rafowicz, présidente des Jeunes socialistes
Rémi Cardon, sénateur socialiste de la Somme

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