La loi sur l’audiovisuel embarrassera le gouvernement jusqu’au bout ! Elle connaît même actuellement l’une de ces situations qui peuvent rendre les rouages de la politique particulièrement obscurs pour le commun des mortels. On sait, depuis les élections législatives anticipées, que la gauche a fait de ce projet de loi l’un de ses grands chantiers : depuis dix ans, le monde des médias, et principalement la télévision, étant en pleine mutation technologique et économique, il est devenu urgent de légiférer afin de définir un cadre dans lequel les secteurs privés et publics pourront se développer. Pourtant, depuis deux ans, on ne calcule plus les retards, hésitations et difficultés en tout genre rencontrés par ce projet pour lequel Lionel Jospin est monté en première ligne mais dont Catherine Trautmann pourrait finir par payer les pots cassés.
On se souvient que l’an dernier, sous la pression des lobbyistes du secteur privé, tout un pan du projet avait dû être remis à plus tard. Il était alors question de ne s’occuper en un premier temps que du service public audiovisuel. La principale nouveauté consistait à ramener de 12 à 5 minutes la publicité par heure d’antenne sur France 2 et France 3. Mais ce changement aurait sans doute amené les annonceurs à investir plus massivement sur les chaînes privées. Modifier le cahier des charges du public aurait ainsi modifié la donne de l’ensemble de l’audiovisuel. Autrement dit, il existe une évidente interaction entre toutes les chaînes. C’est pourquoi ce projet eut du mal à satisfaire tous les députés de la gauche plurielle. Catherine Trautmann s’est donc trouvée devant un dilemme particulièrement délicat : soit proposer une solution incomplète au risque de mécontenter sa majorité et d’entraîner l’audiovisuel vers des terrains inconnus (personne ne sait exactement quel pourcentage d’annonceurs se reporterait sur le privé) ; soit faire marche arrière en s’engageant dans une très longue et périlleuse préparation d’un projet global et se placer à nouveau sous le feu des lobbyistes du privé ; soit encore abandonner purement et simplement cette loi au profit d’aménagements restreints, ce qui donnerait immanquablement aux électeurs, à quelques semaines des européennes, le sentiment que le gouvernement est incapable de boucler ce dossier.Le 6 janvier, Lionel Jospin a donc accordé à Catherine Trautmann un nouveau report afin qu’elle puisse sereinement accorder tous les violons de la majorité. Moins d’un mois plus tard, le 2 février, une réunion s’est tenue rue de Valois. Des députés PS, PC, Verts, radicaux et MDC se sont enfin mis d’accord sur le projet baptisé « Pour un développement pluraliste des médias audiovisuels à l’ère du numérique » que leur a présenté la ministre de la Culture. De très nombreuses mesures y sont envisagées. Côté public, la diminution de la publicité est maintenue. Pour compenser le manque à gagner et afin de financer les minutes de programmes supplémentaires, « la loi érige en principe le remboursement intégral des exonérations de redevances ». En outre, une augmentation assez sérieuse de cette même redevance sera appliquée progressivement. Elle atteindra1000 francs dans les années à venir. Enfin, l’idée d’un holding regroupant toutes les chaînes publiques reste envisagée. RFO y sera même incluse, à la demande du PC. Côté privé, différentes mesures sont envisagées : une nouvelle taxe, prélevée sur les nouvelles recettes publicitaires de TF1 et M6, servirait à soutenir la production télévisuelle et cinématographique ; il serait mis fin à l’exclusivité des chaînes publiques sur TPS ; des canaux de télévisions locales seraient créés sur les différents réseaux câblés ; des dispositions seraient prises afin de garantir l’indépendance des rédactions face à leurs actionnaires privés ; le CSA verrait ses pouvoirs élargis…
Tout semblait, enfin, aller pour le mieux lorsque l’horizon s’est à nouveau assombri : plus personne ne sait si le projet sera présenté avant la fin de la cession parlementaire ordinaire, d’ici au 30 juin. Le second semestre étant déjà bien rempli avec le budget et la loi de finance, un nouveau report équivaudrait presque à un enterrement. « Tant que l’exercice de concertation, de bouclage n’est pas terminé, nous ne l’inscrivons pas » a déclaré Daniel Vaillant, le ministre des Relations avec le Parlement. Mais, aux dernières nouvelles, le projet de loi devrait être examiné en première lecture à l’Assemblée nationale avant fin juin. Ce ne sera pas trop tôt, d’autant que la gauche semble vouloir s’investir sur ce projet. Le 18 février dernier, au Sénat, une journée de débats était organisée par les Etats généraux de la culture. Elle réunissait, autour de Jack Ralite, de nombreux acteurs de l’audiovisuel qui discutèrent sur le thème : « De quelle loi sur l’audiovisuel la France a-t-elle besoin ? ». Et, résultant d’un « large échange de vue entre dix-huit amis des Etats généraux de la culture », une « Proposition de loi relative à l’audiovisuel » était rendue publique.
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