Avec l’utilisation des technologies numériques, le portrait change de nature ; il cesse d’être la référence ultime de l’identité. » Dans les salles plongées dans le noir des Ateliers de la MEP, des visages comme des moules pivotent et se modifient au gré du déplacement des visiteurs dans l’espace. Catherine Ikam y présente ses travaux récents, fruits d’une collaboration d’une dizaine d’années déjà avec Louis Fléri sur la question des environnements virtuels interactifs en temps réel : l’Autre (1992), Portraits virtuels et le Messager (1995), Alex, une commande de l’Ircam pour l’inauguration de ses nouveaux espaces (1996). « Le visage devient un artefact, un modèle manipulable à l’infini. Il n’est plus lié à un support chimique, argentique ou magnétique, mais devient dorénavant susceptible de toutes les transformations. Il n’est plus trace, attestant de « ça a été », au sens où l’entend Roland Barthes, mais devenir. » Et de citer Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux : « Le visage est un conte de terreur… Oui, le visage a un grand avenir, à condition d’être détruit, défait. » L’identité à l’âge de la simulation, l’ »Autre » à l’âge du clone : dans l’Atelier du virtuel (1) où Louis Fléri refait la chronologie du travail en lien avec tout l’aspect technologique, il raconte comment ayant créé Alex, personnage virtuel, ils ont filmé sa rencontre avec Alexandra, son modèle vivant : « Quelle confusion que de pénétrer son propre visage ! Alexandra dira qu’« Alex » a pris une partie d’elle-même, qu’une telle rencontre a quelque chose à voir avec l’image de sa propre mort. De fait, dans ce dispositif, tout voulait suggérer l’immatérialité, la légèreté des rêves. une très grande lenteur, une atmosphère sonore enveloppante portaient à la méditation. De la bouche d’« Alex » sortait une mélodie intérieure, pure voix de synthèse ». Depuis 1980 et Identité III, Fragment d’un archétype, Dispositif pour un parcours vidéo présenté au Centre Georges-Pompidou, la passion de Catherine Ikam pour ces questions de l’identité et les outils qu’elle utilise pour le dire : ces « feux d’Ikam » dont parlait Pierre Restany en réponse à ceux qui n’y voyaient que gadgets tout juste bons pour quelques effets spéciaux (2) : est intacte : « Ici, il y a encore des portraits fixes, et je suis heureuse de les avoir faits, mais ce qui compte vraiment c’est de « marcher vers ». les dispositifs numériques permettent ça, permettent d’être très dialectique. » On lui saura gré également de son texte du livre pour ses aperçus philosophiques (3).
Catherine Ikam, en collaboration avec Louis Fléri, « Portraits. Réel/Virtuel »,MEP, 5-7, rue de Fourcy, 75004 Paris. Jusqu’au 30 mai.
1. Editions Paris Audiovisuel/MEP, 84 p., 190 F Illustrations couleurs.
2. Cité par Brigitte Cornand.
3. Editions Paris Audiovisuel/MEP, 84 p., 190 F. Illustrations couleurs.
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