Paul Puaux, l’homme des fidélités

Paul Puaux, qui disparaît le 27 décembre, restera dans le souvenir lié indéfectiblement à Vilar, son festival et Avignon. Né dans les Cévennes le 25 août 1920, de sa lignée protestante, il a hérité sa rigueur morale et une certaine rudesse qu’il tempère de bonhomie. Instituteur foncièrement laïque et communiste, résistant membre des FFI, après la Libération le voilà militant des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Aussi est-il des premiers à apporter son concours, se chargeant de rassembler un public neuf, à la « Semaine d’art » lancée en 1947 à Avignon par le poète René Char et le critique d’art Christian Zervos qui y présente une exposition de peintres modernes. Vilar, sollicité pour monter un spectacle, en propose et en monte trois, Richard II de Shakespeare dont c’est la création en France, Histoire de Tobie et Sara de Claudel, également une création, et la Terrasse de midi, pièce inédite de Maurice Clavel, jeune auteur. D’année en année, Puaux consacre ses vacances au festival et pas seulement spectateur ; il travaille avec Jean Rouvet, organisateur hors pair des relations avec le public. La confiance et l’amitié se sont établies très tôt entre Jean Vilar et lui, et Puaux, l’homme à la pipe et au franc-parler, toujours présent, devient une des figures les plus populaires dans le milieu avignonnais.

En 1963, Jean Vilar, qui a démissionné du TNP, se consacre entièrement au festival dont, d’une certaine façon, le succès l’inquiète. Il associe Puaux à sa réflexion et le nomme en 1966 administrateur permanent. « C’est parce que sa formule avait atteint un plein succès, mais aussi un palier, qu’il était nécessaire de jeter dès cette année les bases d’une transformation » (1). Cette année-là, Puaux crée un conseil culturel qui entreprend le recensement des données sur lesquelles une action se fonde, prend des contacts avec les associations à vocation culturelle de la ville et le syndicat d’initiative, apporte au festival une aide pratique, régie et propagande. Il amène ainsi la ville et la région qui se tenaient un peu à l’écart à s’y intéresser et y participer.

En 1966, le festival convie Béjart et Planchon, l’année suivante c’est Lavelli et Bourseiller. De nouveaux lieux sont aménagés, cloîtres des Carmes, des Célestins. Cette ouverture, Vilar n’a pu que la mettre en route. Il meurt en 1971, durement éprouvé par les troubles causés pendant le festival de 1968 par les derniers contestataires de mai tentant de torpiller le festival. Il a tenu tête sous les injures, crispé mais gardant son sang-froid ; à ses côtés, Puaux, hors de lui, dont il contient la colère. Il ne cède en rien, le festival est sauvé mais sa vie abrégée.

Il était naturel et bon que Puaux prenne la relève. Il n’est pas de ces fils qui tuent le père. Fidèle entre les fidèles, il mène pendant huit ans à la direction du festival la politique d’ouverture initiée par Vilar. Il donne accès à de nouvelles formes artistiques (danse, théâtre musical, mise en espace, théâtre pour enfants), encourage les ateliers de création, présente de grandes expositions. Des artistes étrangers sont invités, Bob Wilson, Merce Cunningham, Otomar Krejca… de nouveau lieux, hors des remparts, accueillent des spectacles. En 1979, il démissionne. Il aurait aimé que lui succédât un créateur, Ariane Mnouchkine ou des metteurs en scène animés de l’esprit vilarien, Guy Rétoré, directeur du TEP, ou le Belge Armand Delcampe, qu’il a accueillis. C’est un administrateur énarque, Bernard Faivre d’Arcier, qui est nommé. Une page est tournée.Puaux se consacre dès lors : après un bref passage (1981-1983) à la présidence du Conseil d’administration de l’Opéra de Paris : à la Maison Jean Vilar qu’il a créée et dirige avec Melly, sa femme. Ils y inaugurent chaque festival avec une belle exposition entretenant la flamme du théâtre populaire ou, comme s’intitulait l’une d’elles, du théâtre citoyen.

Après la disparition de celui que Vilar appelait affectueusement « mon évêque », Puaux le modeste mais, toujours sur la brèche et chaleureux, pas du tout homme de l’ombre, une aventure théâtrale exemplaire perd le dernier de ceux qui s’y vouèrent corps et âme.

1. Conférence de presse de Jean Vilar, 14 février 1966.

Bibliographie. Paul Puaux, Avignon en festivals, éditions Hachette, 1983. Melly et Paul Puaux, Claude Mossé, l’Aventure du théâtre populaire, éditions du Rocher, 1996.

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