Les mots sont devenus des actes. Les incitations à la haine ont poussé un militant d’extrême droite à blesser grièvement deux personnes dans une mosquée. Ceci est du terrorisme.
Comment est-ce qu’on en est arrivé-là ? Et par « là », j’entends ce merdier sans nom, ce moment de folie où les prêcheurs de haine s’étonnent de voir leurs mots devenir acte.
Face à leur miroir, ils bégayent : pas d’amalgames ! Le terroriste de Bayonne fut candidat sur une liste du RN. Pas d’amalgames ! Rien que les mots « terroriste » ou « attentat » semblent proscrits. L’auteur n’est pas musulman, notre logiciel beugue.
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On ne savait pas autant de précaution quand il s’agissait de qualifier des grévistes de « preneurs d’otages ». Ou encore quand une permanence d’un député est dégradée. « Attentat », sortait alors de la bouche du ministre de l’Intérieur.
Tout ceci n’est qu’un jeu électoraliste, morbide.
Rappelez-vous ce moment, pas si lointain, où nous vous avertissions : « L’islamophobie tue ». Alors vous répondiez sémantique. Ou pire, vous justifiez votre position par celle du « camp » d’en face. La haine n’est pas un droit.
Aujourd’hui, il faut le dire, il faut l’écrire : le terrorisme est une pièce, face pour les djihadistes, pile pour l’extrême droite. Les deux se nourrissent, sont interdépendants. On ne peut affronter l’un sans lutter contre l’autre.
Comme Nicolas Dupont-Aignan, le terroriste de Bayonne pense que l’incendie de Notre-Dame n’est pas un accident. Et il vouait admiration à Eric Zemmour. Le terroriste de Christchurch lisait les thèses de Renaud Camus sur le grand remplacement. Ainsi la France exporte ses lumières.
Si seulement ça n’était que ça.
Combien sont-ils à admettre Éric Zemmour ? À penser naïvement, sincèrement, que celui-ci est un journaliste, un écrivain, et, au fond, qu’il n’est qu’une frange de la liberté d’expression ? À faire de même – dans une moindre mesure – avec Renaud Camus ?
La fascisme ne s’invite pas. Il se combat sans complaisance.
Bayonne n’est pas (encore) un attentat. D’ailleurs, c’est le judiciaire – et non l’antiterrorisme – qui gère l’enquête. La préfecture de Paris, c’est un attentat. Il y a quelque chose d’orwelien dans tout ça.
Désormais, on ne trouve plus une boussole pour indiquer le Nord. Comme le tweetait si justement l’eurodéputé LFI Younous Omarjee :
« La petite élite qui distille à longueur de journée les préjugés racistes et construit de la haine dans le pays fait le choix délibéré de qualifier ce qui est un odieux attentat islamophobe contre une mosquée à Bayonne de « tirs » ou de « fusillades ». Perversité. »
La petite élite qui distille à longueur de journée les préjugés racistes et construit de la haine dans le pays fait le choix délibéré de qualifier ce qui est un odieux attentat islamophobe contre une #mosquée à #Bayonne de « tirs » ou de « fusillades ». Perversité.
— younous omarjee (@younousomarjee) October 28, 2019
Il est des mots qu’il faut savoir employer, ou taire. « Mal nommer les choses… », disait l’autre. Nous y sommes jusqu’au cou. Et à la fin, c’est la haine qui gagne.
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