Avec Olivier Faure, les socialistes veulent sauver les murs d’une boutique en faillite

La dernière force du Parti socialiste, c’est sa force d’inertie. En choisissant Olivier Faure comme nouveau secrétaire général, les militants ajournent l’heure des remises en cause et se rassurent comme ils peuvent. Quitte à persister dans la voie de leurs échecs.

Dimanche 4 mars, les deux tiers des socialistes allemands votaient largement pour que leur parti retourne au pouvoir derrière la chancelière conservatrice Merkel. Après les calamiteux scores de septembre (20,5%), ils ne suivirent pas l’appel de leurs camarades de la gauche européenne, ni celui des jeunes socialistes allemands, qui leur enjoignaient de ne pas poursuivre dans la voie qui les avait menés au plus mauvais résultat électoral de leur histoire.

Kevin Kühnert, le leader des Jusos, déclarait lors du congrès du parti en janvier : « Nous avons tous intérêt à ce qu’au bout du compte, quelque chose subsiste de cette boutique ». Il fut très applaudi. Mais comment conserver la boutique ? Le doute est profond. Depuis que Schröder a perdu le pouvoir en 2005, le SPD a participé par deux fois à une grande coalition… et il s’enfonce. Sa survie est aujourd‘hui en question. Le choix des militants n’était pas écrit d’avance.

Il fallut l’intervention du président de la République allemande et celle des dirigeants européens pour arriver au résultat attendu par Merkel. « Donnez-nous des raisons de voter encore socialiste », s’est écrié un vieux militant déboussolé. Il y eut sans doute de grandes hésitations avant le vote, mais finalement, devant l’incertitude sur l’avenir de leur parti, les militants du SPD ont suivi leurs dirigeants et voté en faveur de la grande coalition.

Vœux de « renaissance »

Jeudi 15 mars, les socialistes français étaient appelés à désigner leur nouveau premier secrétaire. Après les plus mauvais scores de l’histoire moderne du PS, présidentielle et législative, les socialistes français se sentent pris en tenaille entre Macron et Mélenchon.

Le débat entre les quatre prétendants au poste de premier secrétaire fut soft, pour ne pas bousculer le grand corps malade. Ils n’ont pas suivi Emmanuel Maurel (19%), très critique à l’égard du bilan du quinquennat Hollande, ouvert au rassemblement avec les écologistes, les communistes et la France Insoumise. Maurel appelait à un profond aggiornamento et promettait un dur travail de reconstruction. Il pouvait légitimement espérer être entendu. Cela ne fut pas le cas.

Les militants socialistes ont davantage soutenu Le Foll (25%), le fidèle hollandais qui prônait continuité et bienveillance avec le pouvoir macronien, vers lequel nombre d’anciens députés et maires se tournent. Mais ils ont surtout choisi d’élire celui qui leur a susurré le doux mot de « renaissance », leur a dit qu’il allait rassembler, leur faire place, surmonter les divisions, trouver le point d’équilibre entre Macron et Mélenchon.

Peur de disparaître

Beaucoup de douces paroles. « Le renouveau ne pourra venir que d’une clarification de notre orientation et d’un profond renouvellement de notre projet », a martelé Emmanuel Maurel. Ce n’est visiblement pas à l’ordre du jour. La radicalité libérale de Macron a même pu donner le change : voyez que nous ne sommes pas si libéraux qu’on a pu le dire.

Olivier Faure a rassuré les militants grâce au soutien, une fois encore, de Martine Aubry. La maire de Lille a parfois de saines colères, mais quand il faut sauver le président, le parti… elle ne manque pas à l’appel. Il y eut sans doute de grandes hésitations avant le vote, mais finalement, devant l’incertitude sur l’avenir de leur parti, les militants du PS ont suivi eux aussi leurs dirigeants et voté pour Olivier Faure. Le PS va poursuivre sa route ouverte en 1983.

Même si, notamment en France, le scrutin a été dominé par la peur de disparaître plus que par un débat d’orientation, les socialistes ne font pas l’analyse que leurs déboires tiennent à l’écart entre leur politique et l’idée que leurs concitoyens se font de la gauche, de la défense de leurs intérêts et de l’avenir. Au PS, le temps n’est pas encore aux remises en cause. Sans doute, face à la radicalisation de la droite, escomptent-ils être un pôle de stabilité raisonnable quand il faudra prendre la relève de Macron.

Persistance dans l’échec

La social-démocratie va d’échec en échec… et persiste. Il n’y a pas d’alternative qui émerge à la conversion sociale-libérale amorcée en France sous Mitterrand et généralisée dans les années 90. Le petit parti socialiste portugais résiste, mais ne fait pas école, et Jeremy Corbyn, au Royaume-Uni, n’a pas encore remporté le scrutin qui pourrait instiller un doute dans une mécanique si sûre d’elle-même.

L’autre histoire est propre aux partis. Le dégagisme n’y a pas bonne presse. Certes, les appareils sont construits pour conserver le pouvoir. Mais cela fonctionne aussi parce que les militants ont besoin de croire, d’être rassurés sur leurs choix et sur l’avenir de leur parti. Il y a là une banale inertie propre à l’humanité qui fait rarement la révolution – seulement quand rien d’autre n’est possible.

Quand tout est déstabilisé, la préservation des derniers repères fonctionne. C’est cette prime que vient d’empocher Olivier Faure. Cela ne mènera nulle part, mais, lui, ça lui permettra d’accrocher sa photo dans la galerie des secrétaires du parti. Bof.

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