Les mots et les formes de la contestation

Chaque jour, un membre de la rédaction de Regards prend la plume pour livrer son humeur. Lundi, c’est Catherine Tricot qui s’y colle… pour analyser l’émergence des contestations, aux Etats-Unis comme en France.

Donald Trump vient de célébrer son premier anniversaire à la maison blanche. De l’activisme tout azimut, il y en eut sans relâche au cours de l’année. « Le 45e président » s’est beaucoup agité pour remettre en cause l’Obama Care, interdire sur le territoire américain les ressortissants de certains pays musulmans, prolonger le mur avec le Mexique, menacer l’interruption volontaire de grossesse, mettre à mal la presse et la neutralité du net, déstabiliser l’Organisation des Nations Unies et le multilatéralisme, mettre en place une nouvelle réforme fiscale, sortir les Etats-Unis des accords contre le réchauffement climatique, relancer la politique en faveur des industries carbonées, etc.

Les sujets de contestation sont légions. Mais le Parti Démocrate est toujours à la peine, encore groggy par l’échec de sa candidate. Ce sont les femmes et les mouvements féministes qui ont relevé le gant en marquant cet anniversaire du sceau de la contestation. Trois millions l’an passé, en masse cette année encore, les femmes sont descendues dire leur opposition au raciste et au misogyne de la Maison-Blanche. L’affaire Weinstein a alimenté la mobilisation. Nombreuses pancartes #metoo étaient brandies dans les cortèges.

La résistance passe par les femmes

Mais la mobilisation était beaucoup plus générale. C’est sur le terrain politique que les militantes se sont placées : « L’objectif du jour est d’enregistrer des centaines de milliers d’électeurs à travers les Etats-Unis ». Le but est clair : assurer la défaite politique du camp Trump lors des élections de mi-mandat dans moins d’un an. Les féministes trouvent à leur côté, les villes contre le réchauffement climatique, le mouvement Black lives maters, les femmes d’Hollywood et une mobilisation inédite des musiciens… Bernie Sanders en avait eu l’intuition : l’alternative et l’énergie du changement viendra de la société américaine.

De notre côté de l’Atlantique, le président Macron déroule son programme avec une énergie tout aussi débridée. Sa politique accumule les raisons de s’opposer. Tapis rouge pour les dirigeants autoritaires de ce monde. Diner de gala pour les patrons multimilliardaires des multinationales en escale à Versailles avant Davos. Mise en cause du service public français de l’audiovisuel et annonce un tribunal de la vérité contre les « fausses nouvelles ». Installation dans l’ordre ordinaire des mesures d’exceptions de l’état d’urgence. Facilitation des licenciements collectifs à grande échelle. Mesures fiscales pour les plus riches acteurs de la finance. Politique immorale à l’endroit des migrants.

Des deux côtés de l’Atlantique, la contestation en actes

Cette liste donne le tournis par ses similitudes avec l’agenda ultra-libéral du président peroxydé. Comme aux États-Unis, c’est la société qui prend le devant de la contestation. La semaine qui vient de s’achever a été marquée par la victoire des zadistes qui ont su inventer les formes d’une résistance pour tenir bon contre l’aéroport du bocage et pour un autre monde. Elle marquera peut-être un tournant avec l’émergence d’un front opposé à la politique migratoire du pouvoir. On se souvent qu’en 1997, l’appel des cinéastes en faveur de la régularisation des sans-papiers avait couté très cher à Chirac et ses sbires. Là encore, c’est l’alliance des associations, des intellectuels et des artistes qui assurent son retentissement à cette mobilisation montante. Ils ont mis sur le devant le refus de cette honte française : l’inhumanité d’Etat à l’endroit des migrants et des réfugiés.

N’importe quel sujet peut catalyser l’opposition à une politique cohérente. Quand la politique est en panne, ce sont les thèmes les plus globaux, ceux qui s’attachent aux valeurs essentielles qui expriment refus et exigence. Plus encore que les partis, on trouve alors les intellectuels et les artistes en détonateur. Parole à l’un d’eux dans Libération ce matin, Yann Moix qui écrit, filme, agit : « J’affirme, M. le Président, que des fonctionnaires de la République française frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement. Je l’ai vu et je l’ai filmé. J’affirme, M. le Président, que des exilés non seulement innocents, mais inoffensifs, subissent sur notre territoire des atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Je l’ai vu et je l’ai filmé. »

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