Pourquoi une part de la jeunesse ouvrière, aux prises avec l’ennui, la solitude et l’absence de mémoire, se reconnaît-elle dans les discours de l’extrême droite ? C’est le sujet du dernier film de Laurent Cantet, riche et complexe, à la fois thriller et documentaire.
Cet atelier, c’est un atelier d’écriture qu’anime une romancière connue et qui est destiné à des jeunes de la Ciotat en insertion. Premier débat, vif, central : définir le temps et le lieu du roman à écrire ensemble. Chacun voit la question de son point de vue.
Malika, petite-fille d’un ouvrier algérien des chantiers naval, veut transmettre la fierté du travail, les combats contre la fermeture des chantiers. La jeune femme imaginerait volontiers l’action dans ce temps homérique où 10.000 ouvriers produisent des paquebots qui sortent du port à grand renfort de fêtes locales. Cette mémoire des luttes du monde ouvrier, repère essentiel pour Malika, n’évoque rien à Antoine, plus déraciné qu’elle. Lui verrait bien l’histoire se dérouler dans le port actuel où accostent les yachts de milliardaires. On y verrait ce luxe qui le fait rêver.
Le film se focalise peu à peu sur ce jeune homme qui habite une cité comme il en existe tant, partout en France. Les histoires orales et familiales transmises par le grand-père de Malika se heurtent aux images qu’Antoine capte sur son ordinateur ou dans des virées où la culture viriliste domine et où le talent se mesure aux canettes dégommées à coups de revolver. L’ennui et la solitude suintent.
Une démonstration percutante
À partir de cet entrelacs de jeux vidéo, de propagande de l’armée, de cours de culturisme, Antoine construit sa vision du monde en gobant les idées d’un Alain Soral quelconque qui abreuve ces jeunes oreilles de principe « d’honneur » et de « valeurs » jamais vraiment précisées.
La démonstration de Laurent Cantet est percutante : l’attrait des idées d’extrême droite sur une partie de la jeunesse tient d’abord à son absence d’ancrage dans une histoire commune de lutte et de solidarité. Et son évocation nostalgique, même forte et sincère, n’y peut rien ! La toute fin du film suggère une possible issue par la reconstruction d’un groupe actif qui seul peut surmonter l’ennui et ses dérives.
Voilà pour l’intérêt politique majeur du propos. On insistera aussi sur la qualité du film. Son rythme, tout d’abord, qui fait basculer le récit d’un quasi documentaire à un thriller angoissant. On passe d’un film choral au portrait subtil d’un jeune homme. L’Atelier montre aussi avec précision la vie ordinaire d’une jeunesse, enregistrant ses mots, ses références, ses fêtes, ses jeux, sa corporalité.
On perçoit ici l’influence de Robin Campillo, compagnon de scénario de Laurent Cantet. Enfin, la richesse des images, qui entremêlent images d’archives, images vidéo, pub, fictions, photos des chantiers et des calanques contribue fortement à la l’intérêt de ce film campé et complexe.



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